Pour quoi faire ?

28 septembre 2016

« DEMAIN VOUS VOTEREZ L’ABOLITION DE LA PEINE DE MORT »


Le 17 septembre 1981, Robert Badinter, Garde des sceaux, s’adresse à l’Assemblée Nationale pour demander aux élus de voter l’abolition de la peine de mort. Il leur rappelle que c’est en 1791 que Louis Le Pelletier de Saint-Fargeau formula le premier projet de loi à ce sujet. Il aura donc fallu près de deux siècles pour que la France se décide à l’adopter, après la plupart des pays d’Europe occidentale. 
 Pour éteindre la polémique, il souligne aussi que la question ne pouvait être tranchée par consultation référendaire puisque la Constitution de la Ve République ne permet pas d’interroger sur des questions de société. 

Par soucis des suffrages, on a attisé l’angoisse collective de l’opinion plutôt que de l’armer des défenses de la raison. L’expérience des pays abolitionnistes a, par exemple, été peu rapportée : il n’y a aucune corrélation entre la présence ou l’absence de la peine de mort dans le code pénal et la courbe de la criminalité sanglante.
Cette question ne se pose pas en terme de dissuasion ni de technique répressive mais en terme de choix politique. Ceux qui commettent les crimes les plus terribles sont emportés par une folie meurtrière que l’évocation de la peine de mort ne saurait arrêter. Quant aux criminels de sang-froid, ils ne se trouveront jamais dans des situations qui pourraient les conduire à l’échafaud. Et le terrorisme est nourri plus que combattu par les exécutions capitales.
Pour Robert Badinter, la vraie signification politique de la peine de mort est que l’État a le droit de disposer du citoyen jusqu’à lui retirer la vie. Elle est le propre des dictatures. Elle satisfait en vérité un besoin de vengeance privée alors que la justice doit dépasser la loi du talion et résister à la tentation inavouée de l’élimination, souvent nourrie par un racisme secret, en mettant à mort les criminels par précaution.
Enfin, il appelle à considérer la justice comme faillible et l’homme comme jamais totalement coupable, à refuser ce qu’il nomme l’anti-justice, qui serait la passion et la peur triomphant de la raison et de l’humanité.

Enfin, un texte de cette collection retranscrit dans son intégralité, avec même les interventions des députés de l’opposition ! Ce discours a été prononcé sans être lu, comme on peut le constater sur cette vidéo qui rend compte de la solennité de l’événement et du talent de l’orateur :
L’argumentation est convaincante s’il en était besoin.



Quant au discours que Maurice Barrès prononça le 3 juillet 1908, sa lecture est tout autrement édifiante. Il n’est pas inintéressant en effet d’entendre parfois d’autres points de vue.
Maurice Barrès refuse d’admettre que l’abolition serait un progrès moral pour la société car, selon lui, le crime est atavique et doit être éradiqué. Il conteste la théorie de Victor Hugo résumée par cette maxime : « Si vous lui aviez donné le livre, vous auriez détruit le crime. » Il s’appuie sur la science pour affirmer que les criminels sont des dégénérés dont les tares ne peuvent être effacées par la civilisation. Il défend l’horreur de l’exécution en la comparant aux opérations chirurgicales qui ne sont pas moins repoussante et pourtant source de guérison. Il conclu que c’est par amour de la santé sociale qu’il votera pour le maintien et l’application de la peine de mort.

Si la juxtaposition de ces deux textes peut sembler déloyale du fait du temps qui les sépare et du contexte de chacun, la brutalité du second n’en demeure pas moins. L’inhumanité et la violence des arguments se retrouvent en effet dans bien des discours d’aujourd’hui.


« DEMAIN VOUS VOTEREZ L’ABOLITION DE LA PEINE DE MORT »
Robert Badinter
Suivi de « JE CROIS QU’IL Y A LIEU DE RECOURIR À LA PEINE EXEMPLAIRE »
Maurice Barrès
66 pages – 3 euros.
Éditions Point Seuil  – Paris – août 2009

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