Pour quoi faire ?

19 octobre 2024

LARZAC

Octobre 1971. Michel Debré, alors ministre de la Défense nationale, annonçait l’extension du camp militaire du Larzac. Paysans « historiques » et installés récents, adeptes d’innovation et plus habiles en discours, s’organisent et préparent la riposte, soutenus par les industriels fromagers, inquiets pour leur production, mais aussi par les autorités religieuses locales.
Quelques « établis », étudiants maoïstes, puis Lanza del Vasto, fondateur de la communauté de l’Arche, viennent les soutenir, apportant chacun ses méthodes.
Le 28 mars 1872, 103 paysans sur les 107 menacés d’expropriation, font le serment de ne pas vendre leurs terres. Peu à peu, et pendant dix ans, c’est toute une génération militante, post-soixante-huitarde, qui vient à leur rencontre et participe à leur combat.
Pierre-Marie Terral, professeur d’histoire et auteur d’une thèse sur le sujet, raconte chronologiquement l’évolution des mobilisations, des rapports de force et de la répression. Il a l’art de rapporter l’anecdote qui synthétise une période, un état d’esprit, un retournement de situation, toujours avec beaucoup d’humour. La plupart des tactiques employées sont illustrées : utilisation des troupeaux pour faire obstruction aux bâtiments publics ou séduire les parisiens, des tracteurs, occupations de fermes expropriées, constructions de nouveaux bâtiments, parcellisation des terres en milliers de parts achetées par des centaines de militants, création de 150 comités de soutien dans toute la France, infiltration des bureaux du génie-domaine à l’intérieur du camp pour consulter et détruire les actes de ventes, sabotage des véhicules militaires et des registres d’enquête publique dans les mairies, tranchée sur la nationale, récoltes sur les terres appartenant à l’État offertes aux habitants du Sahel, incitation à de pas payer la part destinée à l’armement de l’impôt sur le revenu, marche sur Paris, etc. Le répertoire est vaste (et inspirant).
Loin de la vision caricaturale souvent rapportée, il s’attache à montrer l’extrême diversité sociologique des acteurs de cette décennie, y compris chez les militaires avec ces parachutistes avinés qui pénètrent une nuit dans une ferme squattée pour en découdre, mais aussi ces appelés apeurés parce qu’on leur a raconté que des paysans avaient déjà tués trois soldats, et ces deux courageux qui participent, cagoulés, sur un tracteur, au grand rassemblement d’août 1977.
Déjà remarqué pour son travail sur la bande dessinée biographique consacrée à Georges Orwell, Sébastien Verdier, a réalisé des illustrations minutieuses et délicates, que l’on devine fidèles.

Nulle doute que celle-ci contribuera à entretenir une mémoire plus juste de
cette lutte contre la militarisation, pour la défense de l’environnement et la préservation d’un mode de vie. On n’oubliera plus que ces militant·es, quelque soit leur origine, étaient finalement convaincu·es que « la valeur d’usage de la terre est plus importante que le droit de propriété. »

Ernest London
Le bibliothécaire-armurier


Du même illustrateur :

ORWELL


LARZAC
Histoire d’une résistance paysanne
Pierre-Marie Terral et Sébastien Verdier
176 pages – 23,50 euros
Éditions Dargaud – Paris – Mars 2024
www.dargaud.com/bd/larzac-histoire-dune-resistance-paysanne-bda5407340


Lire aussi : ENTRETIEN AVEC PIERRE-MARIE TERRAL



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