Depuis 40 ans, 6 300 hectares de terres agricoles sont gérés collectivement par les habitants du Larzac-Nord, seul territoire en France où il y a aujourd’hui plus de paysans que dans les années 1980 ! Le comédien Philippe Durand a collecté la parole brute de membres de la Société civile des terres du Larzac (SCTL), afin de la porter sur scène.
Certains récits reviennent sur la formation populaire au droit, les réflexions sur le droit d’usage, « supérieur au droit du sang au droit du sol », et sa mise en œuvre, avec l’idée de faire du Larzac « le laboratoire foncier d’la France » : « c’est la valeur qui a permis
d’entretenir le lieu
dégrevée
de l’usage qui en a été fait
par celui qui lui a donné cette valeur »
Pour le monde paysan où domine « une vision hyper patrimoniale du foncier », « la notion de valeur d'usage
tant que tu y es pas dedans c'est un truc vachement dur à conceptualiser »
La première génération était essentiellement composée de néo-ruraux venus de l’extérieur, ce qui a aidé :
« les Aveyronnais qui ont laissé ça en ruines
ou qui l’ont vendu à l’armée pour qu’ça soit détruit
y z-ont une légitimité ? »
Un autre explique qu’alors que la Safer n’attribue pas forcément les terres à celui qui en a le plus besoin, mais au plus influent, la SCTL choisit ses fermiers, à l’unanimité :
« on a très peu souvent voté pendant la lutte
ben pour éviter d'avoir des majorités faibles
qui gagnent
contre une minorité qui se sent exclue quoi
beaucoup de non-violents utilisent ce système-là
pour pas créer d’conflits dans une prise de décision »
Récemment, ils ont décidé d’une attribution au tirage au sort, parce qu’ils commençaient « à sortir des arguments sur le papa de l’un et la maman de l’autre ». Le tirage au sort « ça ne vous rend pas tout-puissant
vis-à-vis de ceux qui s'installent »
Un autre démontre l’image d’Épinal autour du Larzac parce qu’ils ne sont pas propriétaires (« babas cool « ) et qu’ils commercialisent leur production de viande en direct (« un business pour les bobos »), tout en accusant l’enseignement en école d’agriculture d’ « éduqu[er] à la norme », selon deux paramètres : les machines agricoles et les produits. « on apprend à l'école ce qui est déjà pré-pensé par un système établi »
La bête loin d’être considérée comme un être vivant est vue comme « un rev’nu ». En visitant l’INRA, on découvre une sélection de vaches laitières qui doivent avoir les jambes suffisamment arquées pour permettre au robot de traite de passer. Mais après, on est obligé de les soigner énormément.
« du coup moi après
je dois tout réapprendre
parce que c’que j'ai pas appris
c’que j'ai moins appris
c'est à observer la nature tout simplement
et ça c'est des années et des années d'expérience qui feront que »
D’autres façons de faire :
- « ici on veuille des agneaux et on cueille du lait »
- « l’agroécologie […] c’est […] faire produire le troupeau en cohérence avec ce que la ferme peut »
- « on laboure plus » (500 heures de tracteur par an au lieu de 1500)
- « on ressème c’qu’on moissonne »
- « notre trieur à grains […] a 120 ans »
- « on a pas de tapis mécaniques d’alimentation »
Bien d’autres sujets sont aussi abordés, par exemple le départ à la retraite imminent de 45% des paysans en France et le l’avenir de leurs terres : appropriées par des banques, des sociétés anonymes privées, ou bien organisées en propriétés collectives ?
Si l’aspect brut de ces paroles, sans ponctuation ni réécriture, pourra déstabiliser au départ, l’interêt des propos et leur sincérité retiendra sans doute aucun l’intention.
Ernest London
Le bibliothécaire-armurier
LARZAC !
Philippe Durand
138 pages – 10 euros
Éditions Libertalia – Montreuil – Juin 2024
www.editionslibertalia.com/catalogue/la-petite-litteraire/philippe-durand-larzac
Les dates de tournée du spectacle sont à retrouvées sur le site de la compagnie : compagnie1336.fr/
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