Pour quoi faire ?

20 juin 2016

LA REVUE DESSINÉE #12


Le dossier économique de ce numéro estival est consacré aux assurances. L’origine du principe remonte à la plus haute antiquité, en Mésopotamie où la perte d’un chameau dans une caravane était mutualisée.
À Babylone au XVIIIème siècle avant J.-C. c’est l’ensemble des membres d’un convoi fluvial qui prenait en charge les vols ou les naufrages individuels.
Lorsque les contrats d’assurance sont apparus, des clauses sont venues délimiter la prise en charge du risque.
Après l’ouragan Andrew qui toucha la Floride et la Louisiane en 1992 et ruina sept compagnies d’assurance, l’idée naquit de faire supporter le risque aux marchés financiers : c’est l’invention des Cat Bond. Mais les clauses sont telles que les indemnisations rarement déclenchées : seulement 8 sur les 232 Cat Bond créés entre 1994 et 2013 !
On est dans un pur modèle libéral où les profits sont privatisés tandis que les pertes systématiquement prises en charge par les États bien obligés de reconstruire… tout en continuant à payer les intérêts ! Si tout cela n’est pas très clair, le mieux est de lire cet article particulièrement technique mais rendu abordable par la clarté des propos de Carol Suhas et l’intelligence vulgarisatrice des illustrations de Pierre Lecrenier.


Le bédéaste Benjamin Flao accompagne la délégation du CCFD au Bouthan pour la confédération annuelle internationale sur le Bonheur Intérieur Brut. Il raconte l’origine de ce projet. Déjà, le premier code légal du pays indiquait dès 1729 que « si le gouvernement ne parvient pas à créer le bonheur de son peuple, il n’y a aucune raison que le gouvernement existe. » C’est le roi qui, après avoir traversé à pied le pays pour consulter la population, a instauré une nouvelle politique organisée autour de neuf indicateurs signalant régulièrement les insuffisances à réduire. Dans la tradition bouddhiste le bonheur n’est pas pensé comme une succession de petits moments heureux éphémères mais comme un état de plénitude durable.
Si cette expérience est encore récente et sans doute imparfaite, elle a le mérite de proposer un courageux changement de paradigme car comme disait Einstein : « On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré. »
Sans tombé dans le piège de l’enthousiasme béat, Benjamin Flao parvient à conserver une distance critique et bien faire la part des choses.


Si on parle beaucoup du nucléaire civil le nucléaire militaire est plus rarement évoqué. Ce dossier revient sur les premiers essais en Algérie puis leur transfert en Polynésie. De tout temps ils nous ont été garantis sans danger mais pourtant de plus en plus éloignés de la métropole.
Depuis la chute du mur de Berlin, la dissuasion nucléaire ne semble plus justifiée : elle n’a plus de cible et elle n’empêchera pas des attentats comme ceux du Bataclan. Pourtant aucune décision politique ne vient remettre en cause son principe. Le Parlement n’est jamais consulté sur les choix stratégiques, d’investissement en nouveau matériel ou nouveau chantier. Ce sont des milliards qui sont dépensés chaque années sans contrôle et parfois en pure perte comme avec le chantier Mégajoule inauguré par Manuel Vals en 2014, avec 10 ans de retard. Projet ambitieux en théorie mais qui ne semble pratiquement pas être réellement fonctionnel avant très longtemps… s’il l’est un jour !
Curieusement Greenpeace, à la pointe de la contestation du nucléaire civil, est très silencieux et complètement absent des débats sur le nucléaire militaire. Pourtant de nombreuses irradiations ont été constatées et plusieurs procédures son en cours de la part des personnels. Sans parler des assassinats toujours inexpliqués de deux techniciens, en 1996 à Brest.
Ce secteur se développe sans rendre compte à personne ni sur les risques, ni sur ses coûts, ni sur son utilité réelle. Les auteurs posent les bonnes questions tout en soulignant que les réponses continuent de se faire attendre.


À noter également le magnifique travail graphique de Jorge González sur les récits parallèles de deux nageurs, l’un juif et déporté à Auschwitz, l’autre collaborateur.

Les livraisons de la Revue Dessinée ne se ressemblent pas. Le champ des sujets abordés est vaste, leur approche toujours rigoureuse et accessible à la fois.

Sommaire plus complet :
http://www.larevuedessinee.fr/Numero-12


LA REVUE DESSINÉE #12
Collectif
228 pages – 15 euros
Éditions La Revue Dessinée – Paris – juin 2016




Voir aussi :

LA REVUE DESSINÉE #14

 

LA REVUE DESSINÉE #13

 

LA REVUE DESSINÉE #11



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