Pour quoi faire ?

15 janvier 2017

JOE HILL : BREAD, ROSES AND SONGS


Né en 1879 en Suède, Joe Hill, émigre très tôt aux États-Unis où il sera travailleur itinérant (hobo), poète-chanteur et dessinateur, membre de l’I.W.W. (International Workers of the World). Il sera une des figures les plus populaires de la guerre des classes notamment lors de la campagne de défense pour s’opposer à son exécution, jusqu’à devenir un de ces hommes qui ne mourront jamais.

 Franklin Rosemont a collecté et recoupé de nombreux témoignages, consulté d’immenses correspondances et une somme d’ouvrages, pour brosser en creux le portrait d’un homme, chercher à saisir un peu de sa réalité au-delà de la légende. Il égratigne toutes les mythologies, celle du vagabond criminelle colportée par la presse conservatrice comme celle du surhomme ou du saint.  Il raconte tout autant ce syndicat de travailleurs inorganisables et indésirables au sein duquel tous sont leaders dans une lutte jusqu’à ce que les travailleurs prennent possession de l’appareil de production et abolissent le salariat. Ce syndicalisme industriel révolutionnaire autogestionnaire oppose une critique radicale à l’archaïque et conformiste syndicalisme de métier et vise  l’abolition de l’esclavage salarié, la production pour l’usage et non plus pour le profit.

Parodiant des hymnes de l’Armée du Salut et autres scies sentimentales du moment, Joe Hill a composé des chants révolutionnaires diffusés dans les très populaires Red Songbook et entonnés jusqu’à nos jours. Certaines de ses trouvailles sont d’ailleurs devenues des expressions usuelles comme sa fameuse « pie in the sky ». Il participa avec d’autres à la Révolution mexicaine aux côtés de Ricardo Florès Magón puis à la grève des ouvriers du rail de Fraser River au Canada, avant d’être victime d’un complot à Salt Lake City. Accusé du meurtre d’un épicier, emprisonné, jugé lors d’une parodie de procès, il est fusillé par l’État le 19 novembre 1915, victime d’un véritable assassinat judiciaire. Incinéré, ses cendres sont répandues dans tous les États sauf l’Utah, ainsi que dans le monde entier. « Don’t mourn, organized ! », avait-il demandé.

Franklin Rosemond présente bien d’autres militants tel Franck Little, Big Bill Haywood, Ralph Chaplin, T. Bone Slim, pour donner à saisir l’esprit de l’I.W.W. ce mouvement qui encourageait l’expression des singularités les plus extravagantes au sein de la lutte collective. Ennemi acharné du racisme et opposé à la suprématie blanche, il acceptait les adhérents noirs, au contraire de la puissante American Federation of Labor (A.F.L.). De même, il revendiquait un salaire égal à travail égal pour les femmes.

Le lecteur, plongé dans l’histoire du mouvement ouvrier américain, ne devra pas se laisser noyer par l’exhaustivité du propos. Franklin Rosemont s’appuie systématiquement sur son impressionnante documentation pour recenser toutes les mentions de tout. Sans perdre de vue pour autant l’essentiel, il veille à faire le tour de chaque question ce qui rend ce documentaire extrêmement touffu et sa lecture un peu ardue. Cet exceptionnel travail d’approche de la vérité offre cependant un excellent tableau d’une contre-culture prolétarienne méconnue mais qui influença pourtant toutes les générations suivantes et rend compte de la réalité d’une répression féroce contre toute liberté d’expression.




JOE HILL : BREAD, ROSES AND SONGS
La Création d’une contre-culture ouvrière et révolutionnaire aux États-Unis.
Franklin Rosemont
Traduit de l’anglais par Frédéric Bureau
600 pages – 22 euros
Éditions CNT-RP – Paris – mai 2015

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