Alors que l’on chipote aujourd’hui à propos de la
semaine de 35 heures, Paul Lafargue (1842-1911) proposait dès 1880 des journées
de trois heures. Dans ce manifeste audacieux, il s’indigne que le prolétariat
se soit laissé pervertir par le dogme du travail, proclamé comme principe
révolutionnaire.
Philanthropes et moralistes du XVIIIème prônaient douze heures de travail par jour, « idéal » dépassé depuis y compris par les femmes et les enfants. Les philosophes de l’Antiquité, eux, au contraire, enseignaient le mépris du travail.
Philanthropes et moralistes du XVIIIème prônaient douze heures de travail par jour, « idéal » dépassé depuis y compris par les femmes et les enfants. Les philosophes de l’Antiquité, eux, au contraire, enseignaient le mépris du travail.
Au bagne, les forçats ne travaillent que dix heures
par jour et les esclaves de Antilles, neuf. Dans les filatures de coton, seule
la moitié des enfants atteint sa vingt-et-unième année, mais la plupart pour
cesser d’exister avant deux ans accomplis. L’inexorable loi de la production
capitaliste condamne les ouvriers à travailler pour augmenter leurs misères
individuelles, notamment lors des crises régulières de surproduction, et enrichir
ceux qui leur donnent du travail en fainéantant. Devenant plus pauvres encore,
ils ont plus de raisons encore de travailler. On en est arrivé au paradoxe de
détruire les marchandises non écoulées, malgré l’extension des marchés dans les
colonies nouvellement annexées, au lieu de procéder à une distribution
générale.
Paul Lafargue leur conseille de fouler aux pieds les
préjugés de la morale chrétienne, économique, libre penseuse, de proclamer le Droit à la paresse, « mille fois
plus nobles et sacrés que les phtisiques Droits
de l’homme, concoctés par les avocats métaphysiciens de la révolution
bourgeoise » et de se contraindre à ne travailler que trois heures par
jour.
Le machinisme au lieu d’adoucir la condition
ouvrière, l’a considérablement dégradée. Pour augmenter encore la productivité,
des jours fériés ont été supprimés, la durée quotidienne du travail allongée.
Les bourgeois contraints de devenir non-producteurs et sur-consommateurs, ont
créé une classe domestique pour les servir, prélevée sur la classe productrice.
Ils ont du également s’entourer de magistrats, de policiers, de geôliers, tout
aussi improductifs, pour se protéger des injonctions « Qui ne travaille
pas, ne mange pas ! » du prolétariat. À la recherche de
consommateurs, ils ont inventé des besoins factices et adultéré les produits
pour en faciliter l’écoulement et en abréger l’existence, principes qui
inaugurent, selon Paul Lafargue, L’Âge de
la falsification.
Il demande une augmentation des salaires pour aider
les ouvriers à consommer les produits qu’ils fabriquent. Les capitalistes favoriseront
alors le travail mécanique. Désormais débarrassés de leur tâche de
consommateurs universels, ils pourront licencier la cohue d’improductifs dont
ils se sont entourés. Le marché du travail devenant débordant, la solution de
réduire le temps de travail à trois heures quotidienne s’imposera. Les hommes
pourront alors se consacrer aux loisirs et finir de se débarrasser de leur
« vice », cet amour absurde inventé par les prêtres, les moralistes
et les économistes.
Paul Lafargue accompagne sa démonstration économique
de très nombreux exemples chiffrés, arguments édifiants. Ainsi cite-t-il des
cas précis où la réduction du temps de travail n’a nullement entrainé de baisse
de la productivité. Il affirme que la machine peut devenir le rédempteur de l’humanité
qui débarrassera l’homme des sordidae
artes.
Texte à lire absolument.
LE DROIT À LA PARESSE
Paul Lafargue
82 pages – 2,60 euros
Éditions Mille et une nuits – Paris – mars 1994
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