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22 mai 2017

KARL MARX LE RETOUR - Pièce historique en un acte

« Le Christ ne pouvait pas, alors c’est Marx qui est venu… ». Une erreur d’aiguillage l’a conduit de nos jours dans le quartier de Soho à New York au lieu de celui de Londres où il a vécu. Les journaux l’ont informé que l’organisation du monde n’a guère changé, ne confirmant que trop ses prévisions. Il a obtenu une heure pour venir faire une petite mise au point sur ses théories trop souvent déformées. En lui donnant la parole, Howard Zinn répond aux amalgames imposés par le nouvel ordre néolibéral qui utilisent l’effondrement de l’Union soviétique pour invalider toute croyance en la possibilité d’une organisation sociale fondé sur le bonheur du plus grand nombre plutôt que sur la liberté individuelle de faire des profits et de s’accomplir dans la seule consommation.

Karl Marx rappelle qu’il a toujours craint que la révolution prolétarienne ne porte au pouvoir des hommes dogmatiques qui organiseraient un nouveau clergé, une nouvelle hiérarchie, interprétant ses idées pour le monde entier, excommuniant ou exécutant les déviants. Au nom du communisme, vidé pour longtemps de l’idée de liberté, le monde serait divisé entre empire socialiste et empire capitaliste.
Il rappelle qu’il avait annoncé, voilà cent cinquante ans, que le capitalisme allait augmenter la richesse dans des proportions énormes et la concentrer dans des mains de moins en moins nombreuses. Le produit national brut des États-Unis s’élève à sept cents milliards de dollars. Moins de cinq cents personnes contrôlent deux mille milliards de dollars en actifs commerciaux. Sont-ils plus précieux pour la société qu’une mère avec trois enfants à nourrir en hiver sans rien pour payer la note de chauffage ?
Il confirme avoir affirmé que la religion était l’opium du peuple mais précise qu’il avait aussi ajouté que l’opium, s’il n’est pas une solution, peut servir à soulager la souffrance.
Il souligne qu’il y a pire que lire de l’économie politique : en écrire ! D’ailleurs, il pense que si les censeurs ont autorisé la traduction de son Capital c’est qu’ils n’y ont rien compris et étaient persuadé que personne n’y comprendrait rien.
Il résume sa controverse avec Proudhon qui refusait de remercier le capitalisme d’avoir développé des industries géantes dont il fallait prendre le contrôle.
Il répète que le communisme n’est pas mort en 1989 puisqu’il n’avait rien à voir ce système dans lequel une brute assassinait ses compagnons de révolution. S’il a effectivement parlé de dictature du prolétariat, il ne s’agissait certainement pas d’une dictature d’un parti mais bel et bien de la démocratie telle qu’elle a été mise en place pendant la Commune de Paris dont il fait longuement l’éloge. Il a toujours défendu une société dans laquelle le libre développement de chacun serait la condition du libre développement de tous. Il dénonce le cirque des élections : les gens ne peuvent voter que pour l’un ou l’autre gardien de l’ordre établi.
Il a apporté ses livres pour en lire quelques extraits : «  Plutôt que de punir les individus pour leurs crimes, on devrait éliminer les conditions sociales qui engendrent le crime, et fournir à chaque individu tout ce dont il a besoin dans une société pour développer sa propre vie. »
Il évoque Bakounine avec qui il se disputait souvent parce qu’il pensait qu’un État même ouvrier, s’il dispose d’une armée, d’une police et de prisons, deviendra une tyrannie.
Il s’adresse au public, lui demande, après avoir envoyé des hommes dans la stratosphère, ce que deviennent ceux qui reste sur terre ?
Il répète ce qu’il disait déjà il y a cent cinquante ans : « Effacez ces frontières nationales ridicules ! Plus de passeports, de visas, de gardes-frontières ni de quotas d’immigration. Plus de drapeaux ni de service d’allégeance à ces entités artificielles appelées nations. » La guerre n’est qu’un soutien à l’industrie. Elle rend les gens tellement fous de patriotisme qu’ils en oublient leur misère.
Le capitalisme a certes accompli des prodiges inégalés dans l’histoire mais il creuse sa propre tombe. Son insatiable appétit de profits engendre un monde de chaos. Il transforme tout en marchandise.


Dans sa préface autobiographique Howard Zinn raconte sa première lecture du « Manifeste communiste », à 14 ans, qui lui a permis de mettre des mots sur ses indignations, tout comme un peu plus tard « Les Raisins de la colère. » Son Marx, « furieux, truculent et bien vivant », règle ses comptes avec les gardiens du temple et coupe la chique aux capitalistes triomphant. Il démontre l’actualité criante de sa critique.
Cette lecture libertaire de Marx est une indispensable contre-information à opposer aux discours idéologiques dominants.




KARL MARX LE RETOUR - Pièce historique en un acte
Howard Zinn
100 pages – 10 euros.
Éditions Agone – Collection « Manufacture de proses » –  Marseille – août 2010



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