Pendant la guerre civile russe, un paysan ukrainienne prendra la tête d’un mouvement insurrectionnel autonome, brandissant le drapeau noir de l’anarchie. Cette aventure épique longtemps occultée est un épisode glorieux et tragique de la mémoire des vaincus.
Né en 1889 à Gouliaï-Polié dans une famille de paysans extrêmement pauvres, Nestor Makhno rejoint en 1906 un groupe d’anarchistes-communistes et participe à des attentats. Il méprise les intellectuels qui s’abreuvent de théorie mais sont incapables de passer à l’action. Plusieurs fois arrêté, torturé, il passera huit années en prison, fers au pieds et rejoindra bien souvent le cachot. Il y reçoit sa formation idéologique et politique.
En mars 1917, l’insurrection ouvre les portes des prisons et le libère. Ses convictions le faisaient s’opposer à toute tendance séparatistes entre les peuples. Il combattra les mouvements nationalistes qui voulaient restaurer un État ukrainien indépendant. Les paysans désiraient une terre pour se transformer en bourgeois, il leur proposait de bâtir une société libertaire avec répartition des terres, travaux en commun, autogestion, éducation libertaire, collaboration avec les ouvriers des villes proches.
Impétueux, charismatique, il rassemblera rapidement autour de lui des partisans et sera le seul anarchiste de son temps à transformer, au-delà d’un espace restreint, la théorie en réalité humaine.
Organisant des comités révolutionnaires, déclenchant des grèves, visitant villages et usines, discutant des heures, en six mois il parvient à exproprier les grandes propriétés terriennes et les usines de la région, établissant des communes agricoles.
Pour défendre la révolution, il dirigera la Makhnovchtchina, composée de 25 000 hommes, cavaliers nés et habités par le génie séculaire des cosaques, capables de disparaître en quelques minutes, cachant leurs armes et se fondant parmi les paysans occupés aux champs. Pendant cinq ans, il combattra les Autrichiens, les armées blanches et les nationalistes ukrainiens. Allié par nécessité au pouvoir soviétique qui cherchera à l’intégrer à l’Armée Rouge pour mieux le contrôler, il devra également l’affronter lorsqu'elle l’attaquera, ne lui étant plus utile. L’anarchie de Makhno s’oppose à l’autoritarisme communisme des Bolcheviks.
En janvier 1920, le Comité central du Parti communiste d’Ukraine déclara hors la loi Makhno et ses hommes. Dés lors, poursuivi, trahi il du s’enfuir en Roumanie, puis en Pologne, puis trouvera refuge en France où il finira dans la misère, trop affaibli pour pouvoir travailler longtemps, souffrant de ses nombreuses blessures.
Lecture palpitante pour peu qu’on puisse qualifier ainsi une énumération exhaustive de mouvements de troupes sur les différents fronts en déplacement permanent. Peut-être qu’une carte n’aurait d’ailleurs pas été inutile pour suivre. Ce récit héroïque est cependant d’une grande précision historique. Au-delà, Malcom Menzies tente aussi de comprendre la personnalité de Makhno à l’aide de nombreux témoignages. Il fait la part entre les faits d’armes et les réformes sociales, démonte la propagande qui a tenté de lui attribuer les nombreux pogroms commis par les armées blanches.
En cette année anniversaire des révolutions de 1917, ce livre est le bienvenu pour mettre en lumière cet épisode méconnu.
MAKHNO – Une épopée
Malcolm Menzies
258 pages – 19 euros
Éditions L’Échappée - Collection « Lampe-tempête » – Paris – mai 2017
https://www.lechappee.org/accueil-nouveautes
Première publication en 1972 chez Belfond.
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