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27 juin 2017

RECONNAÎTRE LE FASCISME

Avec ce texte d’une discours prononcé le 25 avril 1995 à l’Université de Columbia (New York), à l’occasion du cinquantième anniversaire de la libération de l’Europe, Umberto Eco tente de définir le fascisme pour pouvoir le reconnaître dans ses formes civiles contemporaines.

Le totalitarisme est un régime qui subordonne tout acte individuel à l’État et son idéologie, comme le nazisme et le stalinisme.
Le fascisme était une dictature pas complètement totalitaire en raison de la faiblesse philosophique de son idéologie. Mussolini n’avait aucune philosophie mais seulement une rhétorique. Le fascisme italien convainquit les leaders libéraux européens qu’un régime qui mettait en œuvre des réformes sociales était capable d’offrir une alternative modérément révolutionnaire à la menace communiste. Il était philosophiquement disloqué, politiquement et idéologiquement désarticulé (au point de paraître parfois tolérant) mais d’un point de vue émotif fermement enchâssé dans certains archétypes.
Umberto Eco énumère quatorze caractéristiques qui permettent de reconnaître à coup sûr ce qu’il nomme « le fascisme primitif et éternel » qui pourra n’en présenter parfois qu’une seule pour mieux avancer masqué.

  • Le culte de la tradition. Il ne peut y avoir d’avancé du savoir car la vérité a déjà été énoncée une fois pour toutes. Il suffit de continuer à interpréter son obscur message.
  • Le refus du modernisme qui est avant tout un rejet de l’esprit de 1789 et du Siècle des Lumières, considérés comme le début de la dépravation.
  • Le culte de l’action pour l’action. La culture est suspecte car identifiée à une attitude critique.
  • Le désaccord est une trahison.
  • La peur de la différence. Le fascisme est raciste par définition.
  • L’appel aux classes moyennes frustrées, épouvantées par les classes sociales inférieures.
  • Le nationalisme pour ceux qui n’ont aucune identité sociale et l’obsession du complot. Ce sont les ennemis qui fournissent une identité à la nation.
  • Les ennemis sont à la fois forts et faibles. Ils humilient par leur richesse ostentatoires et leur force mais peuvent être vaincus.
  • Le pacifisme est une collusion avec l’ennemi. Il y a contradiction entre la nécessité d’un état de guerre permanent et la promesse d’un âge d’or qui viendra après la victoire.
  • L’élitisme populaire basé sur une hiérarchie qui entretient le mépris des subalternes.
  • Chacun est éduqué pour devenir un héros.
  • Le machisme est un héroïsme accessible au quotidien.
  • Le populisme qualitatif qui s’oppose au parlementarisme. Ayant perdu leur pouvoir de délégation, les citoyens n’agissent pas, ils jouent le rôle du peuple. Le Leader est leur interprète. Avec la télé et internet, la réponse émotive d’un groupe de citoyens sélectionnés peut être présentée et acceptée comme la « voix du peuple ».
  • La « novlangue » fondé sur un lexique pauvre et une syntaxe élémentaire afin de limiter les instruments de raisonnement complexe et critique.

Cette analyse simple et judicieuse constituera une excellente grille de lecture de bien des discours.


RECONNAÎTRE LE FASCISME
Umberto Eco
Traduit de l’italien par Myriam Bouzaher
58 pages – 3 euros
Éditions Grasset – Paris – avril 2017

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