Pour quoi faire ?

20 mars 2018

POUR UN MUNICIPALISME LIBERTAIRE

Peu lu et peu connu en France, Murray Bookchin met au centre de ses écrits la démocratie participative qui alimente justement beaucoup de débats et réflexions notamment lors des différents « mouvements des places », et se trouve mise en pratique de façon radicale par les zapatistes et les kurdes du Rojava par exemple.

 Il entend défendre « la primauté du moral sur l’économie ». Il accuse l’usine et plus généralement le lieu de travail « de constituer le théâtre principal de l’exploitation », de la hiérarchie, conjointement avec la famille patriarcale. Il reproche aux socialistes tant scientifiques que libertaires d’en avoir fait le centre de leurs théories révolutionnaires : ils ont considéré que l’usine pouvait servir à unir et à organiser les prolétaires alors qu’elle les dresse « aux réflexes de la subordination, de l’obéissance et du labeur abrutissant ». Il affirme que l’idéal anarchiste  d’une communauté de démocratie directe sans État, décentralisée et autogérée peut parfaitement reposer sur le développement des Communes. Ce qu’il nomme « municipalise libertaire » peut jouer un rôle transformateur, permettre de constituer « un corps politique de citoyens réunis par des valeurs éthiques fondées sur la raison », servir de cadre à « une société libératrice, enracinée dans l’éthique non hiérarchique d’une unité des diversités, de l’auto-éducation et de l’autogestion, de la complémentarité et de l’entraide ».

« L‘État, nous le savons, est un artefact particulier produit par les classes dirigeantes, un monopole professionnalisé de la violence dont le but est d’assurer la sujétion et l’exploitation de l’humain par l’humain. » L’apparition de la cité ouvre la perspective d’une « nouvelle humanitas universelle » et a déjà, parfois, permis la transformation d’une population en « un corps de citoyens fondé sur des modes éthiques et rationnels d’association » : la démocratie athénienne, les réunions municipales de la Nouvelle-Angleterre, les assemblées de section et la Commune de 1793. En l’absence d’autogestion, il manque toujours ce qui, « en formant le caractère des « hommes », est capable de les transformer d’objets passifs en sujets actifs ». « Le  lieu civique, que ce soit la polis, la ville ou le quartier, est littéralement le berceau du processus de civilisation des êtres humains au-delà de la socialisation accomplie par la famille. »
Les citoyens doivent pouvoir s’assembler, discourir entre eux directement, raisonner entre eux en face à face, sans intermédiaire, et arriver à une communauté capable de prise de décisions et d’exécution de celles-ci. Il rappelle que Rousseau insistait sur le fait que le pouvoir populaire ne pouvait se déléguer sans se détruire et affirme que « les mots de l’expression « démocratie représentative » se contredisent mutuellement ». De même, un peuple ne peut donner à la fonction administrative le pouvoir de décider ce qui doit être administré sans créer les fondements de l’État. La suprématie de l’assemblée sur les décisions politiques garantit la suprématie de la politique sur l’étatique. Les assemblées populaires, depuis les quartiers des citées jusqu’aux petites villes doivent maintenir une vigilance et une surveillance sur tout corps confédéral de coordination.
Un « peuple » capable de transcender les intérêts particuliers peut émerger grâce aux « nouveaux mouvements sociaux », socialement progressistes, écologistes, féministes, ethniques, moraux, contre-culturels, dont les revendications reposent sur un intérêt général plus large que les intérêts particuliers à base économique. Là où les travailleurs sont encore mobilisés, leur lutte est en grande partie défensive. Il prévient aussi que le prolétariat peut plus se laisser guider par des intérêts « patriotiques » et nationalistes que par des intérêts de classe.
« Un des buts nécessaires du socialisme sous la forme libertaire et utopique sera l’abolition de l’usine par une technologie écologique, par le travail créatif, et, affirmons-le, par des dispositifs cybernétiques créés pour satisfaire à des besoins humains. »
Murray Bookchin répond aux répugnances antiparlementaristes et anti-électoralistes des anarchistes en expliquant que le municipalisme libertaire est une option capable d’établir un contre-pouvoir à l’État centralisé. En participant aux conseils municipaux, il devient possible d’élaborer une politique participative à une échelle capable de menacer l’État.
Ce bref texte permet de comprendre clairement les grands principes de sa théorie aujourd’hui mise en pratique (sous les bombes) par les disciples d’Abullah Öcalan au Kurdistan syrien. Les indigènes du Chiapas, à partir de leurs traditions communautaires, appliquent une semblable démocratie directe depuis  bientôt 25 ans.



POUR UN MUNICIPALISME LIBERTAIRE
Murray Bookchin
Postface de John P. Clark
62 pages – 6 euros
Éditions de l’Atelier de création libertaire – Lyon – Mars 2018
www.atelierdecreationlibertaire.com
Écrit en septembre 1984. Publié pour la première fois par le journal anarchiste canadien en 1985.




Du même auteur :

NOTRE ENVIRONNEMENT SYNTHÉTIQUE - La Naissance de l’écologie politique

L’ÉCOLOGIE SOCIALE – Penser la liberté au-delà de l’humain

QU’EST-CE QUE L’ÉCOLOGIE SOCIALE ?

 

 

Voir aussi :

ÉCOLOGIE OU CATASTROPHE - LA VIE DE MURRAY BOOKCHIN

UN AUTRE FUTUR POUR LE KURDISTAN ?

LA COMMUNE DU ROJAVA 

ENSEIGNEMENT D’UNE RÉBELLION : La Petite école zapatiste

¡ YA BASTA ! 

 

 

 

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