Pour quoi faire ?

25 février 2019

AVEUX COMPLETS DES VÉRITABLES MOBILES DU CRIME COMMIS AU CIRAD LE 5 JUIN 1999

René Riesel comparait les 8 et 9 février 2001 aux côtés de José Bové et Dominique Soullier de la Confédération paysanne, pour la destruction de chimères génétiques au CIRAD de Montpellier, dans le cadre de la « Caravane intercontinentale » composée en grande partie de paysans du sud de l’Inde. En prononçant ses aveux et exposant ses mobiles, il souhaite inspirer une « véritable opposition anti-industrielle », s’opposer à une « cogestion « citoyenne » des catastrophes à venir », « faire la démonstration, in vivo, de la complémentarité entre institutions étatiques » et rendre hommage à Theodore Kaczynski.

« Le citoyennisme n’est rien d’autre qu’une procédure d’accompagnement psychosocial du naufrage mondial, réclamant sa gestion rationnelle, la transparence sur ses conséquences, leur partage équitable, la normalisation de taux de létalité acceptables, l’accès démocratique à la protection, bref le droit pour tout un chacun d’être constamment pris en charge ou rassuré. » L’abasourdissement et la soumission sont obtenus par les démonstrations mises en oeuvre en situation de crise. « L’État qui rassure gouverne par la crainte et généralise l’inquiétude plus efficacement qu’il ne l’apaise ; mais il n’est pas du tout certain que de cette inquiétude sorte autre chose qu’un syndrome de Stockholm généralisé, où les hommes résignés à l’incarcération industrielle, fraternisent avec les contraintes imposées par la rationalité techniciste et finissent par ne même plus imaginer pouvoir un jour sortir de cet enfermement. »

En détruisant les riz expérimentaux, il s’agissait non seulement de « prendre la vertueuse recherche publique « la main dans le sac de ce qu’elle produit » mais aussi « de lui faire perdre du temps » qui est « du temps gagné pour la conscience ». Car, « depuis plus d’un siècle, à chaque innovation des sciences et des techniques, ce sont les mêmes grosses ficelles qu’on débobine : demain, la physique, la chimie, la biologie auront vaincu la misère, la maladie, la faim et – pourquoi pas ? – la mort elle-même. »
« On a beau jeu de nous représenter qu’ainsi partis le seul choix qui reste est d’aménager, autant que possible, le cours chaotique de l’innovation automatisée, ses dégâts collatéraux, ses regrettables externalités négatives. On ne songe même pas à dissimuler qu’à cet aménagement on a déjà fixé un objectif permanent : repousser toujours plus loin les seuils d’acceptabilité sociale, comme dit très scientifiquement la novlangue lorsqu’elle veut parler d’approfondir la soumission. Nous devrons nous faire aux proliférantes chimères techno-industrielles, mais en en débattant, en nous berçant doucement d’espérances sur les progrès perpétuellement imminents, mais évidement décisifs, de la lutte contre les cancers produits par le mode de vie industriel. » Il dénonce « ce scientisme utilitariste et réducteur, qui ne croit comprendre que lorsqu’il croit dominer, ne sait rien imaginer qui soit gratuit, non brevetable, non manipulable » ; l’activité technoscientifique, c’est à dire « l’artificialisation continue de la vie à l’oeuvre depuis plus d’un siècle », devenue incontrôlable ; « la génomique, où il y a beaucoup de technique et très peu de sciences », proprement incompréhensible à ses promoteurs et agents eux-mêmes ; le champ d’application fort étroit laissé au principe de précaution. C’est sur sa conception du monde et de la vie, antinomique à celle du CIRAD, qu’il demande à être jugé.

Parmi les documents annexés à cette puissante déclaration, un texte de l’éditeur précise la nécessité de construire « une opposition anti-industrielle » et condamne « divers succédané de critique » : « la complaisante dénonciation façon Attac ou Monde diplomatique, où l’indignation se sanctifie elle-même comme summum de la conscience, sans qu’on dise jamais rien contre le mode de vie moderne (…) et encore moins contre l’État » ; le « consumérisme écologiquement correct » qui réclame de « bons produits »  pour continuer à supporter l’industrialisation totale du monde ; le « gauchisme mouvementiste » qui esquive la réflexion sur l’opposition aux nécrotechnologies par des slogans « anticapitalistes ». « Dans ces diverses consolations que procure la fausse conscience (…), on retrouve le même compromis illusoire entre ce qu’on est bien obligé d’admettre et ce qu’on veut continuer à croire. » C’est pourquoi il met en garde contre les tentatives prévisibles d’obscurcissement du débat, pour que le procès de Montpellier soit l’occasion de « défendre les meilleures raisons du sabotage de chimères d’État ».

Un entretien donné par René Riesel à Libération est reproduit, dans lequel il revient et développe un peu ses positions. Éleveur, il a « vu de près la fin du blitzkrieg dont a été victime le monde rural et agricole dans les pays développés ». Si la paysannerie traditionnelle n’était pas porteuse de « valeurs mirifiques », elle « conservait vivante une mémoire permettant de suivre des chemins autres que ceux imposés par le développement industriel ». Il ne se contente pas des « simplifications des antimondialistes » avec les « méchantes transnationales » mais explique que « la domination fonctionne essentiellement grâce à la soumission » à l’emprise d’un système technique. « Il s’agit, ni plus ni moins, d’une tentative de supplanter définitivement la nature (extérieure et intérieure à l’homme), d’éliminer cette dernière résistance à la domination du rationalisme technologique. Une « raison » qui veut ignorer – et ici supprimer pratiquement – tout ce qui n’est pas elle, c’est, je crois, la définition minimum du délire. » Considérant que « l’activisme spectaculaire » ne suffit pas car il cache la pauvreté de l’analyse, il défend le sabotage, attaque frontal pour briser le mythe qu’une « recherche contrôlée citoyennement pourrait être régulée ». Cette technologie est par essence incontrôlable et il appelle à appliquer le fameux « principe de précaution » de la seule manière dont il peut l’être, pour renouer avec « le processus historique de l’humanisation ».

La restitution de notes sur les audiences nous permet de lire les déclarations de différents témoins. Philippe Kourilsky est le co-auteur d’un rapport sur le « principe de précaution » dans lequel il préconise de préparer pour les OGM de deuxième génération, « l’exonération d’une réglementation illogiquement contraignante » pour des raisons économiques, avant même d’avoir défini ce qu’ils seront ! André Pichot, épistémologue et historiens des sciences, a présenté les décryptage du génome humain comme exemple de la « transformation de difficultés théoriques en succès médiatiques », affirmant que « loin d’être des progrès, ces techniques sont le signe d’un certain échec », ne constituant pas « une science fondamentale » mais une « accumulation de bricolages ».

Dans un texte également annexé à cette brochure, le physicien Roger Belbéoch explique comment les scientifiques doivent réduire, pour résoudre un problème, le nombre de paramètres, notamment les paramètres sociaux, négligeant ainsi la totalité du réel.

Un article du Guardian rapporte comment l’éleveur britannique Mark Purdey peu convaincu par les explications officielles à propos de l’encéphalopathie spongiforme bovine attribuée à la consommation de farines animales, s’est initié en autodidacte au fonctionnement biochimique du cerveau. En effet le nombre d'animaux atteints en France a doublé presque dix ans après la fin des exportations britanniques. Il a démontré le lien entre l’utilisation d’un pesticide organophosphoré, le Phomest, et les cas d’ESB, en Islande, dans le Colorado, en Slovaquie et en Sardaigne !

Enfin, un discours de Marcellin Berthelot, chimiste et homme d’État, prononcé en 1894 témoigne de sa vision pour l’an 2000 d’un monde débarrassé de l’agriculture grâce à la « force chimique » qui permettra « la fabrication des produits alimentaires ».


Ces textes rassemblés rappellent les enjeux véritables de la résistance à « l’artificialisation de la vie » plus que jamais en cours.




AVEUX COMPLETS DES VÉRITABLES MOBILES DU CRIME COMMIS AU CIRAD LE 5 JUIN 1999
Suivi de divers documents relatifs au procès de Montpellier
René Riesel
106 pages – 60 francs
Éditions de l’Encyclopédie des nuisances – Paris – Juin 2001




Du même auteur :

CATASTROPHISME, ADMINISTRATION DU DÉSASTRE ET SOUMISSION DURABLE

 

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire