Célestin Freinet, jeune instituteur nommé à Bar-sur-Loup en 1920, tout juste remis de sa blessure au poumon dans les tranchés, veut « changer l’école pour changer le monde », apprendre à ses élèves « à apprendre, à penser, à critiquer ce qui doit l’être ». S’inspirant des pédagogies de l’école nouvelle qui se développent à cette époque, il élabore de nouvelles pratiques éducatives « pour un enfant nouveau qui ne fera plus jamais la guerre ».
Autant ses initiatives semblent convaincre ses élèves, autant elles inquiètent les autorités de Saint-Paul-de-Vence, où il est nommé ensuite. Ses engagements politiques et son mode de vie, laïc et libéré d’un certain nombre de contraintes sociales dérangent. Alors que le curé et le maire maurrassien ont monté contre lui et son épouse Élise, une partie de la population, il refuse sa mutation et doit se résoudre à quitter l’École publique. Ce qui dérange surtout c’est « qu’on arrête de former des esclaves ». À Vence, ils vont fonder leur propre école : un établissement laboratoire, une « petite république des enfants » qui accueillera notamment des réfugiés du franquisme.
« Vous avez cru jusqu’à ce jour qu’il y avait des tyrans ! Eh bien vous vous êtes trompés, il n’y a que des esclaves : là où nul n’obéit, personne ne commande. »
Comme un certain nombre de bandes dessinées biographique, celle-ci utilise un cadre narratif, en l’occurrence une jeune enseignante en poste dans « une de ces cités qui, où qu’elles se trouvent, portent des noms de peintres ou d’écrivains », qui doit inventer au quotidien, pour capter l’attention de ses élèves.
Sophie Tardy-Joubert retrace le parcours et éclaire les engagements d’un pédagogue dont les idées continuent à inspirer les enseignants d’aujourd’hui. Son récit éclaire sa personnalité, intime autant que publique, mais aussi sa pensée. Aleksi Cavaillez, avec un trait réaliste et habile, pratique l’art du contraste : noir et blanc pour le récit au passé, couleur pour le présent de la narratrice ; précision de l’outil à l’encre (stylo plume ?) pour les personnages, lavis plus flous pour les paysages et les décors. Ouvrage tout public qui permet de découvrir un des fondateurs de la pédagogie nouvelle.
Ernest London
Le bibliothécaire-armurier
ÉLISE ET CÉLESTIN FREINET
L’éducation en liberté
Sophie Tardy-Joubert et Aleksi Cavaillez
160 pages – 19,99 euros
Éditions Delcourt – Paris – Août 2022
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