Elle leur demande de s’instruire et de s’unir, à l’exemple des ouvriers, d’autant plus que, chargées de l’instruction des enfants, elles doivent leur apprendre tôt à ne plus se laisser insulter ni voler : « Compagnonnes, les femmes représentent la moitié de l’humanité. L’autre moitié, unie et instruite, progresse tellement que si nous en avions conscience, nous nous précipiterions pour nous unir à nos frères travailleurs et crier avec eux : “Guerre aux curés et aux jésuites, mort aux exploiteurs et aux tyrans du monde entier, à bas les frontières et vive la révolution sociale !“ » (février 1885).
Ainsi, dans De la mujer, publié en mars 1902 dans Humanidad Libre, elle dénonce le privilège réservé aux hommes de pouvoir dévoiler ses sentiments, tandis que les femmes doivent les étouffer, le mariage qui fait changer celles-ci de maître. Puis, dans A la mujer, paru en octobre 1899 dans Fraternidad, elle leur promet que l’anarchie leur rendra justice : « Pour l’anarchie, il n’y a ni race, ni couleur, ni sexe. » Elle n’a pas de mots trop durs pour expliquer et dénoncer cette situation : « Les foyers, qui sont le cloître où niche le feu sacré de la famille, s’avèrent être un nid de discorde où les enfants sont doublement victimes, car ils reçoivent deux catéchismes aussi funestes l’un que l’autre : d'une part une éducation autoritaire et triviale, et d'autre part l'instruction catholique, au discours réducteur et mensonger. Et c'est ainsi que les hommes de demain, tout comme ceux d'hier et ceux d’aujourd’hui, deviennent de la chair à canon, du pus de lupanar, des loques infirmes et une armée d’automates qui rend impossible toute action de ceux et celles qui désirent que les femmes n'aient plus à faire le trottoir pour trouver un mari ou un amant plus ou moins éphémère, en se donnant, en ce vendant, en devenant objet de mépris aussi bien pour celui qui achète que pour celle qui se vend. »
Elle insiste beaucoup sur l’ignorance qu’il faut combattre : « Notre mission, la mission des anarchistes, est de répandre le savoir, de semer, de manière scientifique, la graine de l’idéal sur les terrains caillouteux, sans perdre inutilement du temps à attendre de voir si la graine germe plus ou moins lentement, alors que la science et la philosophie nous ont démontré que rien ne se perd dans le grand laboratoire de la nature et des idées. » Ses exposés sont toujours extrêmement clairs et intelligibles : « Deux forces se sont jetées dans le combat. L'une incarne le pouvoir brutal ; elle est a l'origine de bains de sang, de pillages, de la dévastation des champs fertiles.
L'autre trouve son inspiration dans l'amour universel, dans la prospérité des peuples, dans les relations cordiales entre tous les êtres humains qui travaillent et élèvent leur esprit. » Parfois, elle utilise le dialogue pour rendre son propos plus explicite encore. Toujours son écriture reste sobre, efficace, le ton ferme et décidé.
Dans une courte préface, Christelle Schreiber-Di Cesare fournit quelques éléments biographiques afin d’éclairer la pensée de cette militante assez peu connue en France.
Merci aux éditions Nada pour cette petite collection qui permet de découvrir des auteurs sans se noyer dans leurs oeuvres complètes (ou alors, dans un second temps et en toute connaissance de cause).
Ernest London
Le bibliothécaire-armurier
FEMMES, UNISSONS-NOUS
Teresa Claramunt
Traduction et préface de Christelle Schreiber-Di Cesare
Postface d’Irene
112 pages – 9 euros
Éditions Nada – Paris – Mai 2023
www.nada-editions.fr/produit/femmes-unissons-nous/
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