Imaginées et réalisées entre juin 2020 et février 2021, pendant le second confinement, ces images proposent, par la collision d’éléments inattendus, réflexions et réactions.
Des scènes très médiatisées sont projetées dans un autre contexte, créant une discordance sémantique et visuelle, comme « la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie », mais avec du sens : une fameuse manifestante infirmière est frappée et arrêtée par la police… sous les applaudissements des confinées à leurs fenêtres, l’encore plus iconique enfant syrien gisant sur la plage se retrouve flottant au milieu des déchets qui encombrent les profondeurs de la Méditerranée, sous les pieds des vacanciers impassibles,…
Zac Deloupy a pour le moins le sens de la métaphore et du raccourci, lorsqu’il représente, par exemple, la déforestation en Amazonie par les jambes des Amérindiens amputées à la tronçonneuse, ou bien la course des ours blancs sur des plaques de glace, encouragés par des spectateurs enthousiastes, les enfants traités directement aux pesticides. En quelques coût de crayon, il supprime ce que Günther Anders appelait le décalage prométhéen : la disparition de la conscience des conséquences de nos actes par l’invisibilisation de celles-ci. Il propose, par exemple, que les animaux soient directement abattus et découpés dans les rayons des supermarchés (tout en supposant que les consommateurs s’y habitueraient… comme à tout !).
Il vilipende également la consommation, l’éducation, la violence faite aux femmes, l’aveuglement face aux catastrophes écologiques, les violences policières , notamment vis-à-vis des migrants, et ce téléphone portable, quasiment omniprésent (jusqu'à la couverture !) et qui capture toute les attentions. Avec un certain cynisme, il pointe l’absurdité (des « sans-papiers » sont abordés par la police dans un océan de papiers) et la violence (un gradé de la répression, réduit à l’état de squelette, est décoré… d’un œil arraché !) d’un système néfaste.
Son utilisation d’une gamme chromatique réduite renforce l’effet de contraste, par un rouge vif qui tranche avec les gris-bleus et roses-beiges plus pâles.
Il est tentant d’en décrire plus, de les décrire toutes mais l’intérêt d’une illustration sans texte est quand même de permettre à chacun de parcourir le chemin vers son sens. Quoiqu’il en soit, Zac Deloupy prouve définitivement qu’une image forte vaut mieux qu’un long discours.
Ernest London
Le bibliothécaire-armurier
LE MONDE D’APRÈS
Zac Deloupy
96 pages – 17 euros
Éditions Comics Initiative – Collection Mavericks – Paris – Janvier 2022
www.komics-initiative.com/catalogue-ouvrages-comics/le-monde-dapres/
Initialement publiée sur les réseaux sociaux, elles y sont toujours consultables :
www.facebook.com/media/set/?set=a.3925414234235743&type=3
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire