Surtout célèbre pour sa trilogie autobiographique, Jules Vallès (1832-1885) fut aussi et avant tout journaliste, un des premiers à s’intéresser aux conditions d’existence des classes populaires. Cet opuscule regroupe justement quelques uns de ses articles, parus entre 1860 et 1870, consacrés aux originaux et aux déclassés.
Ainsi, nous découvrons Fontan-Crusoé, poète dont il se fait le porte-voix,, qui devait rester quinze ans « dans le bourbier », souffrant cruellement de la faim, passant parfois trois jours et trois nuits consécutives sans prendre aucun aliment, chassant les morceaux de pain desséchés déposés par des gens charitables sur les rebords des fenêtres ou les parapets des ponts, endurant au moins trois années nuit et jour dans la rue, couchant sur la terre dure. Témoin des travaux de M. Haussmann, il est relégué hors de Paris, puis doit gagner la pleine campagne lorsque la banlieue est annexée.
Poupelin s’était fait « le patron de la candidature Louis-Napoléon Bonaparte » dans le département de la Charente inférieure, hypothéquant ses biens. Mais, au lendemain de la victoire, on l’oublia et ses efforts pour travailler avec le président furent vains. Dès lors, il se fit établir, à la moindre occasion, des certificats qu’il porte toujours sur lui afin de les présenter à qui de droit pour décrocher enfin un poste de ministre ou d’ambassadeur.
Cressot, « poète, long comme un vers de treize pieds » et dont le nez, à la suite d’une maladie, « était devenu fou », Alexandre Leclerc, sculpteur de talent, retrouvé pendu dans un coin du cimetière du Père-Lachaise, la femme à barbe, Vigneron, l’auteur du Convoi du pauvre, un condamné à mort, Gustave Courbet, Victor Noir qu’il charge de « dégoter des héros de la rue » et d’autres encore, peuplent cette galerie de portraits.
On sent l’écrivain derrière la plume du journaliste, mais aussi l’homme indigné qui ne cache jamais ses opinions, prend souvent la parole à la première personne et n’hésite pas à égratigner l’ordre établi à la moindre occasion. Il cherche à éveiller l’attention des lecteurs et les faire réagir. S’il utilise souvent l’ironie, il conserve cependant toujours une grande tendresse pour les « personnages » dont il conte l’existence. Ce recueil d’articles permet de découvrir sa « prose de révolté ».
Ernest London
Le bibliothécaire-armurier
LE PEUPLE DE PARIS
Jules Vallès
Présenté par Jérôme Latta
178 pages – 16 euros
Éditions Divergences – Quimperlé – Mai 2025
www.editionsdivergences.com/livre/le-peuple-de-paris
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