son royaume, paru en 1960, dans lesquelles Georges Navel raconte ses passages à la coopérative végétalienne de Bascon, près de Château-Thierry, où son frère René s’est retiré, rejoint par leur sœur Hélène, puis dans l’arrière-pays provençal, des environs de Fréjus, à la montagne de Lure, où il enchaîne les boulots saisonniers avec les expériences d’autonomie, dans des cabanons ou des bergeries abandonnés, seul ou accompagné.
Il se faite embaucher pour la récolte des fruits (pommes, figues, etc), des champignons et du sel, comme caviste, terrassier, apiculteur, dessoucheur de bruyère,… et en propose un récit soucieux d’en rendre la vérité sensible et subjective. Il présente avec beaucoup d’attention ses nombreuses rencontres, personnages souvent hauts en couleur qui l’auront marqué et les plus significatifs de ses échanges avec eux.
La coopérative agricole de Bascon appliquait la doctrine végétalienne qui cherchait à raccorder l’homme au Cosmos, à le rendre à son milieu naturel d’avant la catastrophe : le feu. « [S]es principes de base s’opposaient à l'exploitation de l'homme par l'homme, mais s'appliquaient aussi au refus de tirer profit du travail de la bête ou de son élevage. Adieu veaux, vaches, cochons, couvée. » Restituer le mode de vie de ses habitants avec précision semble aussi important pour lui que d’en rapporter les difficultés.
Il ne cache pas non plus ses craintes à se retrouver parfois seul et s’étend aussi sur sa recherche de la plénitude corporelle par le labeur physique et de la joie face au « miracle de la vie » : « L'homme est là pour contempler l'univers, prêter son regard à la nature aveugle, son enchantement est nécessaire, il est son but. » Il rêve « d’un retour à un Moyen Âge sans seigneurs, où le travail serait réduit à la production du strict nécessaire, à un retour à l’état de nature avec cependant quelques imprimeries ». Il ne tait pas non plus ses désillusions : « J'avais cru à une amitié plus égale avec la nature et qu'il suffisait d'être retiré de la société, d'échapper aux liens du travail régulier, pour retrouver le bonheur du bon sauvage, les épanouissements dans la liberté de vivre presque nu, la peau en contact avec le soleil, le vent, l’air, l'ombre ou l’eau. Parfois, j'aurais voulu oublier les mots et la parole, toute culture, tout reflet, toute interposition du langage commun de l'expérience pour n'être que rêverie et résonance. Je déchantais. »
C’est un Navel des champs que nous découvrons ici, portant un regard toujours aussi sincère et lucide sur ses séjours à la campagne : « En élevant des poules, des lapins, des abeilles, j'espérais tirer ma subsistance, lutter, vaincre la nature, faire pousser des légumes, loin des patrons, des chantiers, des bourgeois, vivre libre, dans une heureuse pauvreté, j'avais trente ans, des illusions, il en fallait pour ma tentative. »
Ernest London
Le bibliothécaire-armurier
PRÈS DES ABEILLES
Georges Navel
Préface de Jean Giono
144 pages – 25 euros
Éditions Gallimard – Collection « Le sentiment géographique » – Paris – Février 2025
www.gallimard.fr/catalogue/pres-des-abeilles/9782073096845
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