Le 17 septembre 1981, Robert Badinter, Garde des
sceaux, s’adresse à l’Assemblée Nationale pour demander aux élus de voter
l’abolition de la peine de mort. Il leur rappelle que c’est en 1791 que Louis
Le Pelletier de Saint-Fargeau formula le premier projet de loi à ce sujet. Il
aura donc fallu près de deux siècles pour que la France se décide à l’adopter, après
la plupart des pays d’Europe occidentale.
Pour éteindre la polémique, il
souligne aussi que la question ne pouvait être tranchée par consultation
référendaire puisque la Constitution de la Ve République ne permet
pas d’interroger sur des questions de société.
Par soucis des suffrages, on a attisé l’angoisse
collective de l’opinion plutôt que de l’armer des défenses de la raison. L’expérience
des pays abolitionnistes a, par exemple, été peu rapportée : il n’y a
aucune corrélation entre la présence ou l’absence de la peine de mort dans le
code pénal et la courbe de la criminalité sanglante.
Cette question ne se pose pas en terme de dissuasion
ni de technique répressive mais en terme de choix politique. Ceux qui
commettent les crimes les plus terribles sont emportés par une folie meurtrière
que l’évocation de la peine de mort ne saurait arrêter. Quant aux criminels de
sang-froid, ils ne se trouveront jamais dans des situations qui pourraient les
conduire à l’échafaud. Et le terrorisme est nourri plus que combattu par les
exécutions capitales.
Pour Robert Badinter, la vraie signification
politique de la peine de mort est que l’État a le droit de disposer du citoyen
jusqu’à lui retirer la vie. Elle est le propre des dictatures. Elle satisfait
en vérité un besoin de vengeance privée alors que la justice doit dépasser la
loi du talion et résister à la tentation inavouée de l’élimination, souvent
nourrie par un racisme secret, en mettant à mort les criminels par précaution.
Enfin, il appelle à considérer la justice comme
faillible et l’homme comme jamais totalement coupable, à refuser ce qu’il nomme
l’anti-justice, qui serait la passion et la peur triomphant de la raison et de
l’humanité.
Enfin, un texte de cette collection retranscrit dans
son intégralité, avec même les interventions des députés de l’opposition !
Ce discours a été prononcé sans être lu, comme on peut le constater sur cette
vidéo qui rend compte de la solennité de l’événement et du talent de
l’orateur :
L’argumentation est convaincante s’il en était
besoin.
Quant au discours que Maurice Barrès prononça le 3
juillet 1908, sa lecture est tout autrement édifiante. Il n’est pas
inintéressant en effet d’entendre parfois d’autres points de vue.
Maurice Barrès refuse d’admettre que l’abolition
serait un progrès moral pour la société car, selon lui, le crime est atavique
et doit être éradiqué. Il conteste la théorie de Victor Hugo résumée par cette
maxime : « Si vous lui aviez donné le livre, vous auriez détruit
le crime. » Il s’appuie sur la science pour affirmer que les criminels
sont des dégénérés dont les tares ne peuvent être effacées par la civilisation.
Il défend l’horreur de l’exécution en la comparant aux opérations chirurgicales
qui ne sont pas moins repoussante et pourtant source de guérison. Il conclu que
c’est par amour de la santé sociale qu’il votera pour le maintien et
l’application de la peine de mort.
Si la juxtaposition de ces deux textes peut sembler
déloyale du fait du temps qui les sépare et du contexte de chacun, la brutalité
du second n’en demeure pas moins. L’inhumanité et la violence des arguments se
retrouvent en effet dans bien des discours d’aujourd’hui.
« DEMAIN VOUS VOTEREZ L’ABOLITION DE LA PEINE
DE MORT »
Robert Badinter
Suivi de « JE CROIS QU’IL Y A LIEU DE RECOURIR
À LA PEINE EXEMPLAIRE »
Maurice Barrès
66 pages – 3 euros.
Éditions Point Seuil – Paris – août 2009
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