L’avènement du numérique sera-il une révolution
semblable à l’invention de l’imprimerie par Gutenberg. Ignacio Ramonet observe
la mutation en cours, l’évolution des médias depuis l’apparition d’internet et
tente de comprendre ce qui se prépare.
Deux crises, pour lui, sont annonciatrices de ces
bouleversements : les emballements médiatiques lors de la mort de Lady
Diana puis de l’affaire Clinton-Lewinsky. S’ouvre alors « l’ère de
l’information globale » : les barrières entre les rubriques
disparaissent et une information domine toutes les autres, sur tous les
supports à la fois. La guerre du Golfe de 1991 marque l’apogée de l’information
télévisuelle. La presse écrite cherche alors à prendre sa revanche en se
tournant vers les révélations (affaires, corruption, vie privée… ). Internet
survient alors, accélérant encore la diffusion au détriment des vérifications.
Les médias dés lors s’auto-alimentent jusqu’à la nausée. Internet n’est pas un
pouvoir éditorial mais un instrument de contagion mimétique. Le journal
télévisé devient un spectacle émotionnel de masse en renonçant à l’analyse.
Pourtant la méfiance s’installe après les mises en
scène et les manipulations pendant la guerre du Golfe et surtout le vrai/faux
charnier de Timișoara en 1989 en Roumanie. Le contrôle des médias n’assure pas
toujours le contrôle des esprits. Si la censure autocratique est basée sur la
rétention de données, la censure démocratique compte sur la saturation
d’informations.
La crédibilité des informations a tout d’abord
reposé sur le commentaire qui accompagnait les images des actualités
cinématographiques. Puis le journal télévisé hollywoodien a instauré un rapport
de confiance avec un présentateur familier qui s’adressait au téléspectateur
les yeux dans les yeux. Désormais, avec l’information en continu, c’est la
prouesse technologique du direct permanent qui impressionne et se revendique
vérité médiatique. Et la répétition remplace la démonstration.
Désormais le citoyen doit être actif dans sa recherche
d’informations. Il ne peut plus se contenter du journal télévisé conçu pour
divertir et distraire. Les sphères de la culture, de la communication et de la
publicité ont fusionné depuis la mondialisation de l’économie et la domination
de la finance sur l’économie réelle. L’information n’est plus qu’une
marchandise.
Au-delà du simple constat, de la description de
l’évolution technologique, Ignacio Ramonet cherche à comprendre la logique du
discours médiatique. La dissolution joyeuse du pouvoir communiste en 1989, par
exemple, contrastait trop avec la fin du nazisme et la découverte effroyable de
la réalité des camps. Ainsi la mise en scène de Timișoara venait répondre à
l’attente d’images symboliques de certains, comme une confirmation analogique.
La construction d’une « société de
l’information globale » avec l’ouverture des frontières au libre flux
favorise évidemment les mastodontes américains qui maîtrisent toute la chaine
et dont certains ont des intérêts dans l’industrie de la guerre.
Par ailleurs directeur de l’édition espagnole du
Monde Diplomatique, Ignacio Ramonet conclu en appelant les journalistes, notamment de la
presse écrite, à leur responsabilité. Il leur cite Vaclav Havel : « Il faut de longues années avant que les
valeurs s’appuyant sur la vérité et l’authenticité morales s’imposent et l’emportent
sur le cynisme ; mais, à la fin, elles sortent victorieuses, toujours. »
Son propos est toujours nourri d’exemples et de
citations, de chiffres et de faits qui viennent étayer sa démonstration. Utile
pour comprendre l’évolution en cours. Complémentaire de LES NOUVEAUX CHIENS DE GARDE de Serge Halimi, par exemple.
LA TYRANNIE DE LA COMMUNICATION
Ignacio Ramonet
212 pages – 138 francs.
Éditions Galilée – Paris – mars 1999
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