Pour quoi faire ?

29 novembre 2016

HOMMAGE À LA CATALOGNE


De décembre 1936 à juin 1937, George Orwell est engagé en Espagne dans la 29ème division, dans les rangs du P.O.U.M. et participe aux combats près de Huesca. Il livre un récit dépourvu d’oripeaux romantiques et ne cache rien des conditions de vie sur le front aragonais : poux et rats, conditions d’hygiène et alimentation déplorables sont le quotidien des milices. 

Mal équipées, elles ne peuvent fournir de fusil à chacun et seulement de très anciens modèles. Les armes livrées par l’U.R.S.S. ne leur parviennent pas.
Il raconte l’antagonisme entre ceux qui voulait faire progresser la révolution et ceux qui voulait l’empêcher ou l’enrayer. Il le découvre lors de la militarisation des milices qui perdent alors leur fonctionnement démocratique et égalitariste (la même solde pour tous). Les communistes préféreront substituer une hiérarchie au fonctionnement démocratique. De même, ils supprimeront les comités locaux pour restaurer l’État centralisé.

Il veille à toujours demeurer objectif, notamment pendant les journées de mai, lors du siège du Central téléphonique, avouant ne pas savoir grand chose de la situation sur la ville, rapportant comme telles certaines rumeurs, racontant avant tout ce qu’il voit dans son quartier, dénonçant les mensonges des versions officielles rapportées par la presse, promettant de consacrer un chapitre complet à faire la part des choses.

Blessé à la gorge début mai, il revient à Barcelone d’où la nouvelle de l’interdiction du P.O.U.M., accusé de trahison au service des fascistes, n’a pas encore filtré. Menacé, il doit se cacher tandis que des milliers des miliciens en permission sont arrêtés, certains exécutés sans jugement. Il se fera démobiliser pour ne pas être considéré comme déserteur et parviendra à rejoindre Banyuls avec sa femme.

Délibérément, il choisit de reléguer son exposé des stratégies politiques dans deux annexes qui suivent son récit. Son analyse est d’un grand intérêt historique, en opposition totale avec les versions publiées par les journaux de l’époque : les forces conservatrices catholiques contre les rouges sanguinaires ou les bons républicains contre les putschistes. Il résume l’enjeu de la guerre par le maintien (ou non) d’une république bourgeoise. Au départ, Franco veut surtout rétablir la royauté. Le Front Populaire est une alliance improbable dans laquelle les communistes sont du côté des contre-révolutionnaires. La Grande-Bretagne défend d’énormes intérêts financiers, notamment ses participations dans les entreprises de transports catalans qui seront collectivisées par les anarchistes. Les ouvriers se sont soulevés avant tout pour installer la révolution.
Le P.S.U.C. défend l’idée d’un gouvernement central fort et d’une armée militarisée sous un commandement unifié. Il se bat pour la démocratie parlementaire et affirme que toute tentative de révolution sociale fait le jeu des fascistes.
Pour le P.O.U.M. la guerre et la révolution ne doivent pas être séparées.
La C.N.T.-F.A.I. veut le contrôle direct des industries par les ouvriers, des comités locaux sans régime autoritaire centralisé.
Si George Orwell est arrivé en Espagne sans réelle culture politique et a pu rester longtemps à l’écart des débats sans fin dans les tranchées, les événements de Barcelone lui démontrent la fourberie de certains, la loyauté et la sincérité d’autres. C’est par soucis de justice qu’il prendra finalement parti. Il s’attèle à laver les nombreuses diffamations colportées par la presse étrangère.

Ce récit rédigé à chaud, dans les mois qui ont suivi le retour de George Orwell en Grande-Bretagne, mais sans ses notes qui lui ont été subtilisées, est un document historique primordial. Il rend compte à la fois de la réalité de la vie quotidienne et des enjeux sous-jacents. George Orwell découvre et dénonce les manipulations et l’épuration stalinienne. Cette expérience forgera sa détermination à combattre les totalitarismes et nourrira son œuvre à venir.

 
HOMMAGE À LA CATALOGNE
George Orwell
Traduit de l’anglais par Yvonne Davet
293 pages – 15 euros
Éditions Ivrea-Champ libre – Paris – janvier 1982
307 pages – 7,50 euros.
Édition 10/18  – Paris – décembre 1999



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