Pour quoi faire ?

12 mars 2017

DESTRUCTION MASSIVE – Géopolitique de la faim


Toutes les cinq secondes un enfant de moins de 10 ans meurt de faim dans le monde alors que l’agriculture est capable aujourd’hui de nourrir 12 milliards d’êtres humains. Comment mettre fin à cette destruction massive ?
 Dans L’Écclésiaste, on peut lire qu’« une maigre nourriture, c’est la vie des pauvres ; les en priver, c’est commettre un meurtre. » L’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme définit l’alimentation comme un droit.

  Jean Ziegler distingue la faim structurelle de la faim conjoncturelle, en donne une géographie précise, tout en identifiant différentes causes. Ne se limitant pas aux pays habituels, il évoque également la Corée du Nord, Gaza,… et présente aussi les conséquences de la malnutrition, dont le noma, maladie tabou qui provoque le développement incontrôlé de la flore buccale qui va briser les défenses immunitaires, dévorer la bouche, déformer le visage.
Il explique que la faim a longtemps été considérée comme une fatalité relevant de la loi de la nécessité, depuis que Malthus a donné bonne conscience aux Occidentaux, les déchargeant de leur responsabilité morale au nom de la sélection naturelle.
À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la conscience collective pu enfin s’ouvrir à d’autres discours. Adolf Hitler avait transformé l’Europe en camp de concentration, rationalisant les restrictions alimentaires au profit des habitants du Reich, instaurant une discrimination selon quatre catégories raciales, pillant les pays occupés, soumettant les populations à exterminer au Hungerplan.
Josué Apolônio de Castro, médecin brésilien, publie en 1946 Géopolitique de la faim dans lequel il affirme que la sous-alimentation et la malnutrition sont artificielles, c’est-à-dire créées par l’activité humaine, notamment la colonisation, la monopolisation des sols et la monoculture. Il participera à la création de la F.A.O. au sein de l’O.N.U.

Jean Ziegler dénonce les États-Unis et leurs organisations mercenaires, l’O.M.C., le F.M.I. et la Banque mondiale, pour qui le droit à l’alimentation est une aberration, et les transnationales privées de l’agro-industrie qui prétendent lutter contre la faim en augmentant la productivité et libéralisant la marché agricole mondial. Il répond que la violence et l’arbitraire du marché libre de toute contrainte normative, de tout contrôle social, tuent.
En 2005, La Programme Alimentaire Mondial a tenu en échec l’O.M.C. qui voulait taxer l’aide alimentaire. Mais en 2008, tandis que les gouvernements des pays de la zone euros débloquaient 1 700 milliards de dollars pour sauver les banques, le budget du P.A.M. tomba de 6 à 3,2 milliards.
Il dénonce également le mensonge des biocarburants qui nécessitent de brûler des millions de tonnes de nourriture et dérobent la terre aux cultures vivrières. La spéculation sur les denrées alimentaires est encore un scandale, de même que le vol des terres arables.

Il énonce un certain nombre de décisions de bon sens à prendre, exact contre-pied de tout ce qu’il vient de dénoncer. Chiffrant à 80 milliards de dollars l’investissement annuel nécessaire pendant 15 ans pour conjurer les tragédies qu’il vient de décrire, il suggère de prélever un impôt annuel de 2% sur le patrimoine des 1210 milliardaires recensés en 2010.

Beaucoup d’informations sont reprises d’un ouvrage précédent,  L’EMPIRE DE LA HONTE, que nous avons déjà chroniqué. Nous avons choisi d’être succinct et d’y renvoyer plutôt les lecteurs.
Jean Ziegler se montre beaucoup moins sévère que John Madeley avec la F.A.O. et la P.A.M. Il prend même vigoureusement leur défense. La lecture de  LE COMMERCE DE LA FAIM s’impose donc pour nuancer ces propos.
S’il se montre optimiste, citant Che Guevara (« Les murs les plus puissants s’écroulent par leurs fissures. ») et Antonio Gramsci (« Le pessimisme de la raison oblige à l’optimisme de la volonté. »), on pourra le trouver quelque peu naïf, comptant sur « le vote, la mobilisation générale, la grève pourquoi pas, » pour obtenir un changement radical.



DESTRUCTION MASSIVE – Géopolitique de la faim
Jean Ziegler
354 pages – 20,30 euros
Éditions du Seuil – octobre 2011


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