L’usage du pronom « nous » qui amalgame le gouvernement et la population est une supercherie qui permet de faire adhérer celle-ci aux objectifs poursuivis par l’État, dans un climat de rectitude morale unanime qui désignait le fascisme comme l’ennemi à mater avant qu’il ne fasse d’autres victimes.
L’hystérie antijaponaise était telle que Roosevelt signa le décret 9066 en février 1942, autorisant l’armée à arrêter sans mandat les 120 000 nippo-américains, pour la plupart nés aux États-Unis, et à les enfermer dans des camps de détention.
Les massacres de civils pour « saper le moral » était un élément important de la stratégie de guerre alliée, décidée à la conférence de Casablanca en janvier 1943. Dresde, Cologne, Essen, Francfort, Hambourg subirent des tempêtes de feu dans les mois qui suivirent et jusqu’en 1945. « Le terrorisme, condamné par les gouvernements s’il était le fait d’extrémistes religieux ou nationalistes, devenait une politique officielle. »
Les États-Unis étaient déterminés à faire étalage de leurs armes atomiques au reste du monde, en particuliers à l’URSS.
Howard Zinn présente de très nombreux documents et témoignages, notamment le rapport de la commission d’enquête américaine, établissant avec certitude que les japonais auraient capitulé même si les bombes atomiques n’avaient pas été larguées. Truman était au courant des propositions de paix des dirigeants japonais, trois mois avant Hiroshima.
La seconde bombe sur Nagasaki fonctionnait au plutonium et celle d’Hiroshima à l’uranium. « Le sacrifice de vies humaines sur l’autel du « progrès » technologique fait partie de l’histoire de la « civilisation » moderne. » Un véritable « fantasme technologique » régnait alors parmi les physiciens de Fort Alamo.
La plupart des arguments brandis pour justifier ces bombardements reposaient sur une logique de représailles : comme si les enfants d’Hiroshima étaient responsables de Pearl Harbor et les réfugiés de Dresde des chambres à gaz.
Un code de censure proscrit jusqu’en 1952, la publication de toute information sur les souffrances dues aux bombes atomiques.
Howard Zinn explique pourquoi réfuter les arguments stratégiques ne suffit pas et insiste pour briser « le cercle vicieux de la violence et de la vengeance, du terrorisme et du contre-terrorisme, dans lequel notre époque s’est enlisée » en refusant le dogme justifiant la violence de masse si elle sert une « noble cause » : « l'horreur des moyens est toujours certaine tandis que la pertinence des fins ne l’est jamais ».
De la même façon, il revient ensuite sur l’offensive terrestre et aérienne sur Royan, dix mois après le débarquement de Normandie, trois semaines avant la capitulation de l’Allemagne. Du 14 au 16 avril 1945, 1200 bombardiers américains ont largué des bombes au napalm sur la ville, première utilisation de cette arme. Il démontre que ce pilonnage est impossible à justifier par quelque impératif militaire mais qu’il fut décidé en haut-lieu pour flatter la fierté, les ambitions et l’honneur des troupes qui ne voulaient pas qu’en capitulant l’ennemi semble être invaincu.
Il explique aussi comment la division du travail exempte chacun des responsabilités directes des horreurs commises et invite à ne jamais se laisser « paralyser par les gestes d’autrui », par les « vérités d’une autre époque ». « Il faut agir en son âme et conscience, au nom de notre humanité commune et à l’encontre de ces abstractions que sont le devoir et l’obéissance. »
Un document bref, incisif et irréfutable.
LA BOMBE - De l’inutilité des bombardements aériens
Howard Zinn
Traduit de l’anglais par Nicolas Calvé
98 pages – 10 euros
Éditions Lux – Collection « Mémoire des Amériques » – Montréal – Avril 2011
http://www.luxediteur.com/
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