Pour quoi faire ?

4 janvier 2019

NATION NEGRES ET CULTURES

L’historien africain Cheikh Anta Diop entend démontrer que « les Éthiopiens et les Égyptiens étaient des Nègres », comme en témoignait unanimement toute l’Antiquité savante.
Hérodote, Diodore, Strabon, Pline, Tacite, dont les écrits sont reconnus pour leur exactitude, nous apprennent en effet que les Égyptiens, comme les autres Africains, étaient noirs. Hérodote apporte un témoignage oculaire et reconnait avec une rare honnêteté que la Grèce a pris à l’Égypte tous les éléments de sa civilisation.

« D’après la Bible, l’Égypte était peuplé par la descendance de Cham, ancêtre des Nègres. » 70 bergers chassés de Palestine par la famine sont entrés en Égypte. Leur condition devint de plus en plus dure et des mesures sont prises pour limiter le nombre des naissances de cette minorité ethnique en éliminant les enfants mâles. 400 ans plus tard, le Pharaon chasse le peuple juif, composé de 600 000 membres. Si celui-ci y a puisé tous les éléments de sa tradition future, notamment le monothéisme que l’Égypte avait emprunté au Soudan Méroïtique, on comprend que la littérature postérieure à cette période de persécution ait maudit Cham et ses descendants.
Les Égyptiens appelaient leur pays Kemit qui veut dire « noir » dans leur langue.

L’auteur pense que la civilisation égyptienne s’est développé depuis son berceau primitif, vers le Haut-Nil, pour descendre lentement le long de la vallée et irradier autour du bassin méditerranéen. Ce cycle, le plus long de l’histoire, aurait duré 10 000 ans. Vers –1425, les Égyptiens avaient inventé un calendrier dont la période repose sur l’intervalle de 1461 ans entre deux levers héliaques de Sirius, ce qui suppose des millénaires de développement avant d’arriver à de telles spéculations. L’adaptation dans l’étroite vallée du Nil exigeait une technique savante d’irrigation et de digues, des calculs précis pour prévoir les crues et en déduire les conséquences. La géométrie a été inventée pour délimiter les propriétés après les crues et départager ainsi les cohabitations. Par contre, les Nègres qui avaient essaimé à l’intérieur du continent seront coupés du reste du monde et vivront en vase clos, s’orientant vers le développement de leur organisation sociale, politique et morale plutôt que vers une recherche scientifique que le milieu ne justifiait pas. Au XVe siècle, les premiers marins commerçants européens rencontrent des monarchies constitutionnelles avec des Conseils du Peuple. Leur supériorité technique, notamment en matière d’armement, favorisera la conquête. C’est la traite des esclaves depuis la découverte de l’Amérique jusqu’au XIXe siècle qui finira d’assimiler les Nègres à des primitifs, au mépris de la vérité historique, et la colonisation sera présenté comme mission civilisatrice.
L’égyptologie s’acharnera à détruire le souvenir d’une Égypte nègre en lui inventant une origine indo-européenne. Une à une, Cheikh Anta Diop réfute ces thèses. Ainsi tous les bas-reliefs jusqu’à la XVIIIe dynastie représentent les Égyptiens en noir, ce qui fera dire à Champollion que la peau noire et les cheveux crépus « ne suffisent pas à caractériser la race nègre », tandis que Cherubini prétendra qu’il s’agit là d’une pure convention ! Les momies découvertes sont considérées comme « les mêmes hommes que ceux de l’Europe et de l’Asie Occidentale » même si elles ont la peau noire et les cheveux crépus. Les falsifications sont grossières et conscientes. « Les spécialistes, en fuyant l’évidence d’une origine nègre, tombe dans des invraisemblances et des contradictions sans issue. » De même, certains égyptologues s’obstinent à vouloir prouver l’origine du Delta de la civilisation, en dépit de l’absence de tout document historique, pour établir une origine méditerranéenne blanche. Or le Delta est universellement reconnu pour avoir été le foyer de toutes les épidémies de peste qui ont sévi dans cette région au cours de l’histoire. Aux monument architecturaux (pyramides, sphynxs,…) correspond des tumulus d’argile et des constructions en briques de terre séchée en Iran et en Mésopotamie jusqu’au VIIIe siècle.
L’auteur met en évidence la parenté entre les Égyptiens et les Phéniciens ainsi que la démarcation entre les mondes indo-européen et noir égypto-phénicien. L’Orestie, comme L’Énéide, racontent la rencontre et le conflit entre deux conceptions différentes : l’une fondée sur le patriarcat, issue des steppes eurasiennes infertiles où l’homme a appris à tirer son pain quotidien à la sueur de son front ; l’autre organisée autour du matriarcat, originaire d’une vallée fertile où abondaient les ressources de vie. Il observe l’influence nègre qui a longtemps dominé autour de la Méditerranée dans les Vierges Noires que l’on retrouve dans le monde Roman, l’étymologie de « Parisii » qui pourrait signifier « Temple d’Isis », le mot « ker » qui signifie « maison » en égyptien, en valaf et en breton. Même si la Louve Romaine rappelle les pratiques du totémisme méridional nègre, après les derniers rois étrusques, les Tarquins, la culture nègre et le matriarcat sera évincée du bassin méditerranéen. C’est avec la défaite du général carthaginois Hannibal que s’achève la suprématie du monde nègre et que commence la pénétration et la domination européenne de l’Afrique.
Il explique le mouvement religieux et philosophique de l’Asie au VIe siècle (Bouddah, Confucius et Zoroastre en Iran) par une dispersion des prêtres égyptiens à cette époque, diffusant leur doctrine. Il montre que tous les éléments nécessaires à l’éclosion de l’Islam (le pèlerinage à La Mecque existait, la Kaaba aurait été construite par Ismaèl, fils d’Abraham et d’Agar l’Égyptienne, ancêtre de Mahomet) étaient en place plus de mille ans avant la naissance de Mahomet et que l’Islam sera une « épuration » du Sabéisme.
Les Égyptiens pratiquaient la circoncision et l’ont transmise au monde sémitique (Juifs et Arabes).
La conception vitaliste de la royauté, la cosmogonie, l’organisation sociale basée sur le matriarcat, sont communes à l’Égypte et au reste de l’Afrique Noire. La Nubie (Soudan) apparait comme le point de départ de la civilisation égyptienne et du reste de l’Afrique Noire. Cheikh Anta Diop s’emploie à démontrer « une parenté irréfutable entre les langues égyptiennes et nègres », par une longue étude linguistique.

À une époque où le Moyen Âge occidental ne connaissait que des monarques absolus, en Afrique Noire les monarchies étaient déjà constitutionnelles : le roi était assisté par un Conseil du Peuple dont les membres étaient choisis parmi les différentes catégories sociales. De même un Conseil des Anciens administrait les villages à la fin de l’Empire égyptien, représentant la plus ancienne forme de démocratie que l’humanité ait connue et qui sera enseignée à la Grèce à l’époque égéenne. Dans le panthéon égyptien les dieux sont pourvus de toutes les perfections morales. Adoptés par les Grecs, ils ont été ramenés au niveau de l’homme. Pythagore, Thalès, Solon, Archimède, Eratosthène, comme les deux tiers des savants et philosophes grecs, sont allée s’instruire en Égypte.

Après avoir rendu aux Nègres la continuité de leur passé historique, il va les inciter à reconquérir leur place dans le monde moderne. L’unité linguistique n’est pas plus réalisée en Afrique qu’en Europe ou en Asie. « Les Africains doivent bâtir des « humanités » à base d’égyptien ancien, de la même manière que l’a fait l’Occident à partir d’une base gréco-latine. » Il propose de développer des langues nationales en les enrichissant de vocabulaire abstrait à partir de racines égyptiennes plutôt que d’emprunts à l’Occident. Il établit d’ailleurs tout un lexique de concepts mathématiques et scientifiques, traduit le principe de la relativité, La Marseillaise et un extrait d’Horace, en valaf. Il consacre également un chapitre à l’Art Africain, évoquant notamment l’expressionnisme géométrique des styles Dan (Côte d’Ivoire) et Basonge (Congo) qui ont influencé le cubisme occidental partir de 1907.

Cheikh Anta Diop bouleverse l’histoire mondiale européo-centrée.




NATION NEGRES ET CULTURES
Cheikh Anta Diop
570 pages – 15,20 euros.
Éditions Présence africaine – Paris/Dakar – Février 1999
Première édition 1954



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