Il revient sur la naissance de la cybernétique au tournant des années 1950, « science cherchant à faire opérer un traitement robotisé et standardisé de l’information par des automates », la production en série d’ordinateurs personnels, l’avènement d’internet permettant d’accéder à « des volumes gigantesques et exponentiels de masses informationnelles », celui du smartphone qui consacre l’individualisation, la portabilité et la miniaturisation des objets électroniques. L’intelligence technologique est désormais dotée d’ « une puissance interprétative et réactive », ouvrant « l’ère de l’individu géolocalisé/assisté », grâce à l’inflation astronomique d’applications appelées à couvrir l’intégralité des séquences de la vie quotidienne, contribuant à « instaurer une « administration soft » et d’apparence quasi ludique des existences, confirmant un « pliage algorithmique » du quotidien ».
« Notre période historique signale la fin d’une extériorité de la technique, ne pouvant plus être pertinemment envisagée comme une puissance bonne ou mauvaise conformément à des critères moraux, mais d’après le degré de proximité au corps et le niveau d’imprégnation opéré sur la conscience. » Éric Sadin identifie un « rapport totémique à la technique » et une « gouvernementalité algorithmique » émergente, projet politique non déclaré d’une « administration électronique de la vie ». En effet, ce « processus de computation déductive » achève le processus de civilisation que Norbert Elias définissait comme une confiscation aux individus de l’usage de la violence et un apprentissage de l’autocontrainte.
Il entrevoit deux possibilités :
- La satisfaction insouciante d’un pilotage automatisé du quotidien : l’apport incessant d’informations miraculeusement ajustées à chaque fragment d’existence, amplifiant notre paresse naturelle par un « assistanat tendancieusement intégral rendant presque vain tout effort volontaire et soutenu de savoir »
- La conscience d’un autre moment de notre condition : L’apport continuel et bienvenu de connaissances permettant de procéder à l’enrichissement de certaines de nos aptitudes.
Si ses conclusions pourront paraître optimistes, voire naïves, l’analyse d’Éric Sadin a le mérite d’être sérieusement approfondie, d’englober non seulement des considérations purement techniques mais aussi et surtout anthropologiques et philosophiques. Son style particulièrement exalté pourra peut-être parfois sembler abscons.
L’HUMANITÉ AUGMENTÉE
L’Administration numérique du monde
Éric Sadin
194 pages – 12 euros.
Éditions L’Échappée – Collection « Pour en finir avec » – Paris – Mai 2013
https://www.lechappee.org/
Du même auteur :
LA SILICOLONISATION DU MONDE
Voir aussi :
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