Pour quoi faire ?

14 juillet 2022

DE SEL ET DE SANG

Le massacre des Italiens d’Aigues-Mortes, le 17 août 1893, raconté en bande dessinée. Une rumeur enflamme et déchaîne la colère de la population, déclenche « la chasse à l’ours ». « Dans cette ville où certains se gavent d’or blanc depuis des siècles », la boulangère, courageuse et digne, relate ces tragiques événements dont elle a été directement témoin.

Les rapports de classes et d’exploitation, l’antagonisme entre les trimards et les piémontais, sont parfaitement mis en scène : « Les beaux messieurs qui s'en mettent plein les poches sur notre dos… ça les arrange bien qu'on se bouffe le nez les uns des autres ! ». La responsabilité de l’idée d’identité nationale, alors en pleine naissance, (déjà !) instrumentalisée par une classe politique multipliant les discours patriotiques et une presse en plein développement qui utilisait les faits divers pour créer une connivence entre « eux » et « nous », suivant un clivage criminel/victime, n’est que peu suggérée. Quelques une des journaux, par exemple, glissées à droite à gauche auraient pu suffire pour préciser cette ambiance.

Étrange tout de même que surgissent de la foule déchainée des cris comme « Vive Ravachol ! » et « Vive l’anarchie ! ». Ceci laisse entendre une certaine politisation qui n’a strictement rien à voir avec les « revendications ». C’est un peu malhonnête.

Frédéric Paronuzzi dessine des corps harassés, écrasés par la chaleur et l’effort, des visages déchirés par la haine ou la douleur. Il s’en tient cependant fort pudiquement aux plans relativement larges lors des assauts, et parvient à rendre omniprésente la lumière du soleil grâce à la gamme réduite de couleurs qu’il utilise.
De Sang et de sel montre parfaitement comment la folie peut s’emparer d’une foule… même si la narratrice prétend le contraire !

Ernest London
Le bibliothécaire-armurier


DE SEL ET DE SANG
Vincent Djinda et Frédéric Paronuzzi
144 pages – 22 euros.
Éditions Les Arènes – Paris – Mai 2022
arenes.fr/livre/de-sel-et-de-sang/


Voir aussi :

LE MASSACRE DES ITALIENS : Aigues-Mortes, le 17 août 1893

À QUOI SERT L’IDENTITÉ « NATIONALE » ?

 

 

 

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