Pour quoi faire ?

22 février 2023

LE GRAND INCENDIE

Rescapée de l’incendie de Paradise, Virginia cherche à se frayer un chemin, sur les traces de son père, jusqu’à Los Padres, épicentre d’un gigantesque incendie qui ravage la Californie. Ianov erre avec sa jument, rendue folle et aveugle par les flammes qui ont détruit sa ferme et ravagé la Sibérie, bientôt rejoint par d’autres animaux, devenant le berger de cet étrange troupeau : une biche, un blaireau, un couple de lièvres et un cerf, un écureuil et une louve. Asna et Olan, las de batailler pour éteindre, avec des couvertures et des vestes, les foyers qui dévorent les champs de blé de leur village du Kurdistan syrien et anéantissent les récoltes, allumés inlassablement par leurs ennemis, marchent jusqu’aux ports géorgiens sur la mer Noire, aidés par des passeurs.
 

Les mégafeux sont devenus un phénomène planétaire : la saison des incendies du Sud démarre alors que celle du Nord n’en finit pas, condamnant nombre d’habitants au nomadisme, à trouver refuge dans les métropoles. Aux États-Unis, les réfugiés du feu sont parqués dans des camps de fortune, en bordure d’autoroute. « La ville qui devait sauver les naufragés n’avait rien d’autre à leur offrir que l’indigence d’ordinaire réservée aux migrants illégaux. Cette nécessité impérieuse de fuir qu’on éprouve au plus profond de soi, les riches Américains du Nord ne l’avaient jamais ressentie auparavant. Désormais, ils étaient tous des clandestins en terre inhospitalière. Le sens des migrations n’est qu’une question d’époque. » « Quel pays civilisé traite ses victimes comme si elles étaient responsables de leur propre malheur ? Coupables d’écorner le rêve ? » On comprend que si la responsabilité des humains dans la catastrophe qui vient n’est plus à démontrer, certains le sont bien plus que d’autres et doivent s’attendre à un… retour de flamme. Et puis, un groupe d’adolescents va tenter de susciter la stupéfaction, au centre de Manhattan, de dévoiler « l’absurdité toute entière du monde ».

Au-delà de cette représentation épique des conséquences de l’urgence climatique alimentée par un système politico-économique coupable, Antonin Sabot esquisse des idées qui se répandent comme des incendies, imagine une foule, telle une forêt en marche vers les lieux emblématiques abritant les responsables des catastrophes, vers un autre possible. Il explore toutes les dimensions symboliques du feu (destructeur mais aussi sacrificiel, régénérateur, etc). Derrière cette histoire destinée à être rattrapée sous peu par la réalité, on devine une métaphore phénixienne : quel monde naitra de ces cendres ? Puissant.

Ernest London
Le bibliothécaire-armurier


LE GRAND INCENDIE
Antonin Sabot
290 pages – 21 euros
Éditions Presse de la cité – Paris – Janvier 2023
www.lisez.com/livre-grand-format/le-grand-incendie/9782258202009


Du même auteur : 

NOUS SOMMES LES CHARDONS

LA LOUVE



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