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2 février 2017

CAHIER D’UN RETOUR AU PAYS NATAL


Aimé Césaire, dans une langue puissante et riche, puisant autant à Rimbaud qu’au surréalisme, chante son île, sa terre. Il assume ses origines de descendants d’esclaves, dépasse la honte et revendique ce qu’il nomme sa négritude. Il rend sa dignité à tout un peuple.

 Il évoque sa famille, son enfance, sa prise de conscience, la Martinique mais ce texte poétique, quasi incantatoire, ne relève pas du récit, n’est jamais narratif. De même, lorsqu’il rappelle « ces quelques milliers de mortifères qui tournent en rond dans la calebasse d’une île », « Haïti où la négritude se mit debout pour la première fois et dit qu’elle croyait à son humanité », c’est sans aucune précision historique.
Poésie donc, saluée par André Breton. Cri de révolte : « J’ai assassiné Dieu de ma paresse de mes paroles de mes gestes de mes chansons obscènes ».
« Mais qui tourne ma voix ? qui écorche ma voix ? (…) C’est toi sale haine. C’est toi poids de l’insulte et cent ans de coups de fouet. »
« Et ce pays cria pendant des siècles que nous sommes des bêtes brutes ; que les pulsations de l’humanité s’arrêtent aux portes de la négrerie ; que nous sommes un fumier ambulant hideusement prometteur de cannes tendres et de coton soyeux et l’on nous marquait au fer rouge et nous dormions dans nos excréments et l’on nous vendait sur les places et l’aune de drap anglais et la viande salée d’Irlande coûtaient moins cher que nous, et ce pays était calme, tranquille, disant que l’esprit de Dieu était dans ses actes. »

De son histoire, il fait surgir une force, une vitalité, une espérance qui s’attaque au poids des traditions et à la résignation : « Je salue les trois siècles qui soutiennent mes droits civiques et mon sang minimisé. » Il s’adresse à « ceux qui n’ont connu de voyages que de déracinements
ceux qui se sont assouplis aux agenouillements
ceux qu’on domestiqua et christianisa ».
Il abandonne tout ressentiment et s’extirpe du piège du racisme : « ne faites point de moi cet homme de haine pour qui je n’ai que haine (…)
vous savez que ce n’est point par haine des autres races
que je m’exige bêcheur de cette unique race
que ce que je veux
c’est pour la faim universelle
pour la soif universelle ».
Définitivement, il affirme qu’  « aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l’intelligence, de la force » et constate que déjà « La vieille négritude progressivement se cadavérise », celle du « bon nègre à son bon maître. »

Cahier d’un retour au pays natal est le chant, le cri d’un homme. Il fait partie de ces textes nécessaires. Aimé Césaire gueule sa colère, sa révolte et son espoir. Son verbe est le levier qui ébranle le monde.
« Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi »





CAHIER D’UN RETOUR AU PAYS NATAL
Aimé Césaire
Suivi de la préface d’André Breton à l’édition de 1947 : « Un grand poète noir »
98 pages – 4,90 euros
Éditions Présence africaine – Collection Poésie – Paris/Dakar – janvier 1983
Initialement publié dans le n°20 de la revue Volontés en 1939.

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