Pour quoi faire ?

6 mars 2017

UN SIÈCLE DE DÉSHONNEUR


Helen Hunt Jackson est journaliste et romancière américaine. Indignée par les conditions dont sont traitées les indiens, elle adressa aux membres du Congrès en 1881 cette enquête rigoureuse sur quelques tribus principales pour dénoncer les spoliations de leurs terres, les déportations et les exterminations. Sur la couverture, imprimé en rouge, elle fit mentionner : « Regardez vos mains : elles sont tachées du sang de vos cousins ! »

 Depuis les premiers contacts, ce qui revient pour chacune d’elles c’est le mépris, l’arrogance et la duplicité avec lesquelles le Gouvernement des États-Unis les traitent. Malgré les mensonges et les promesses non tenues, la plupart acceptent de céder leurs terres, de se déplacer, de renoncer à la chasse (quand ils n’y sont pas contraints par l’extermination des bisons) et de se convertir à l’agriculture, de scolariser leurs enfants. Ils demeurent bien souvent pacifiques malgré les brimades et les trahisons répétées. Leurs révoltes, le plus souvent en situation de légitime défense, servent aussitôt de prétexte à des représailles cruelles.
Helen Hunt Jackson s’appuie sur les rapports réguliers des commissaires aux affaires indiennes, les textes des traités et de très nombreux récits et témoignages. L’abondance de documents laisse peu de doute sur la politique systématique mise en œuvre pour dépouiller les indiens et le peu de respect qui leur était porté. Ce cynisme omniprésent  tranche avec les déclarations des chefs indiens, toujours raisonnables et pleines de sagesse.

Ainsi, le Président lui-même explique-t-il au gouverneur du territoire Nord-Est de l’Ohio à propos des Delawares que « les traités qui ont été conclu peuvent être examinés, mais ne doivent pas être violés, à moins que l’on ne puisse obtenir une modification de frontière au bénéfice des États-Unis. » Le premier traité fut conclu en 1778 avec ce peuple puissant et amical, promettant de toujours les traiter en frères et de leur permettre d’être représentés au Congrès. Un siècle plus tard on ne comptait plus que 80 individus.

Les volumes d’histoires qui traitent de l’établissement des États de Tennessee, de Caroline du Sud et de Géorgie évoquent des « atrocités indiennes » qui ne résultent que de l’application de l’article 5 du traité signé aves les Cherokees en 1785, les autorisant à évincer par la force ceux qui avaient usurpé leurs terres et à les tuer en cas de résistance opiniâtre.

Les Winnebagos ont subi cinq déportations successives, en supportant jusqu’aux frais de celles-ci, déduits des sommes dues au titre de l’achat des terres. Le commissaire avouait dans un rapport que « tous les moyens que l’imagination humaine peut inventer, légaux et illégaux, ont été mis en œuvre pour s’assurer la possession des terres indiennes. »

Le ministre de l’Intérieur reconnaît dans son rapport annuel de 1851 au sujet des Cheyennes qu’ « on ne peut nier que les dommages commis sur notre frontière par les Indiens sont motivés par la nécessité la plus criante. La pénétration de notre population les force à abandonner leurs terres fertiles et à chercher refuge dans les régions stériles qui ne fournissent ni maïs ni gibier. » Ils ont été pourchassés et massacrés, notamment à Sand Creek le 29 novembre 1864, pour avoir quitté une réserve qui n’était légalement pas la leur.

L’évêque Whipple qui avait réussi à obtenir le versement de la part du Congrès d’une aide de 7 500 dollars aux Sioux en 1865, commentait que « l’allocation d’une pitance aussi misérable est une injustice éclatante. (…) Nous avons délibérément provoqué l’hostilité des Indiens sauvages et les choses se sont envenimées jusqu’à provoquer un massacre. » Beaucoup, pacifiés et « civilisés » ont ainsi été poussés à rejoindre « l’indomptable » Sitting Bull qui déclarait : « Dites-leur à Washington que s’ils ont un seul homme qui ne mente pas ils peuvent me l’envoyer, j’écouterai ce qu’il a à dire. »

Ce ne sont que quelques exemples parmi les nombreux faits rapportés avec beaucoup de détails et de précisions par Helen Hunt Jackson. L’accumulation ne laisse aucun doute et toute autre interprétation relève au mieux de la méconnaissance sinon du révisionnisme.

Elle consacre également un chapitre à examiner les traditions juridiques qui toutes reconnaissent un droit d’occupation inaliénable aux populations indigènes sans titre de propriété, à moins de vente ou de conquête. À l’explorateur, elles accordent un droit de souveraineté. Les contrats et traités sont garantis par un caractère solennel et sacré. Leur violation est moralement et juridiquement condamnable.


Ce rapport accablant est un document unique. Les commentaires et annotations d’Éric Viel le complètent fort intelligemment. Cette traduction française publiée en 1972 n’est plus actuellement plus disponible ce qui est pour le moins regrettable et incompréhensible.




UN SIÈCLE DE DÉSHONNEUR
Helen Hunt Jackson
Préface  et traduction d‘Éric Viel
412 pages – 7 euros.
Éditions 10/18 – Paris – 1972
Publié pour la première fois aux États-Unis en 1881.


Voir aussi :

TRÈS BRÈVE RELATION DE LA DESTRUCTION DES INDES

1 commentaire:

  1. J'ai lu ce livre émouvant dans les années 1980 (de de 1972). Il ne doit pas faire oublier certaines limites. L'auteure dénonce les crimes et maltraitances mais ne croit pas au maintien des cultures des tribus, signalant les "qualités non-indiennes" de certaines d'entre elles. Egalement conditionnée par une manière américaine fréquente de penser les guerres indiennes ( "massacre" pour désigner les défaites du 7ème de cavalerie) elle affirme que le général Custer fut "assassiné" ("murdered" comme le releva Eric Viel ) à la bataille d Little Big Horn par des "Indiens hostiles".

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