S’il prend soin de ne pas déranger une certaine partie du public "qui ne souhaite pas qu’on lui remette à l’esprit certains sujets dérangeants", il a choisi de situer son histoire « dans une ville très éloignée comme jamais il n’y en a eu ici par le passé » comme il le précise dans son prologue, il indique aussi, régulièrement, que des panneaux doivent apparaitre sur scène pour faire précisément le lien entre la description scène à scène de la corruption institutionnelle à Chicago et en Allemagne dans les années 30, entre la prise de pouvoir progressive, par la menace, le crime et la trahison, du gangster Arturo Ui et celle d’Adolf Hitler.
La démonstration est d’autant plus limpide qu’elle est conçue précisément à des fins « pédagogiques » car comme le conclu l’épilogue fameux :
« Apprenez donc à voir au lieu de rester béats
Et agissez au lieu de parler encore et encore.
Sur le monde ça aurait presque imposé sa loi !
Les peuples se sont montrés les plus forts
Que personne ne triomphe trop vite toutefois -
Le ventre est encore fécond d’où ça sort. »
Représentée régulièrement, cette pièce ne manque certainement pas d’efficacité. Pourtant, nous savons maintenant que les leçons de l’Histoire ne suffisent pas à elles-seules pour rendre « résistible » de nouvelles ascensions. Face à la rhétorique habile et rodée des volontés tyranniques, il faut opposer une parole musclée et omniprésente, monter partout ce texte par exemple, mobiliser les consciences et interpeler les responsabilités individuelles. C’est essentiellement la lâcheté qui fait le lit des dictatures. Il faut aussi agir, donc.
LA RÉSISTIBLE ASCENSION D’ARTURO UI
Bertold Brecht
Traduit de l’allemand par Hélène Mauler et René Zahnd
160 pages – 11 euros
L’Arche éditeur – Paris – septembre 2012
Pièce écrite en Finlande en 1941
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