Pour quoi faire ?

8 février 2018

NANTES RÉVOLTÉE – Numéro 1

Alors que le gouvernement est en pleine radicalisation, que le
capitalisme, au contraire du totalitarisme du XXème siècle avec ses interdictions et ses autodafés, rend sournoisement toute information instantanément insignifiante, noyée dans un flot continu, la page Facebook de Nantes Révoltée résiste. De plus en plus suivie, elle rend compte et analyse les expérimentations de la lutte locale. Cette livraison papier propose de revenir sur quelques unes.

 

Retour sur l’automne 2017 contre les ordonnances. À Nantes, des convergences se construisent au-delà des microcosmes restreints, des complicités déjà émergées dans la lutte anti-aéroport, y compris au sein de la CGT, « jadis entièrement porteuse d’oeillères productivistes », alors que tout le travail du pouvoir pour assurer son règne consiste précisément à organiser l’isolement, fabriquer des catégories et des « ennemis intérieurs ». Macron, « tacticien machiavélique », a su éteindre les foyers d’incendies avant même qu’ils se propagent.
21 septembre : un mur en parpaings, prévu pour la permanence parlementaire de François de Rugy, président de l’Assemblée Nationale, est élevé collectivement au milieu de la route, au coeur de la métropole.
10 octobre : la charpente d’une « maison du peuple » de 4 mètres de hauteur est édifiée en moins d’une heure face à la préfecture.
À l’échelle locale, une « force plurielle » tente de s’enraciner, avec en filigrane le souvenir tenace du Comité d’Action Nantais et de la Commune de Nantes. En mai 1968 en effet, après le prise de la préfecture et l’occupation de la mairie, des comités ouvriers et paysans avaient littéralement destitué les institutions locales et administré la ville. « Elle balbutie, essaie, échoue parfois, essaie encore. Elle permet de s’extraire du sentiment d’impuissance. »

Un article entreprend de disséquer le nouveau pouvoir. Macron est décrit comme « le candidat des médias et des banques, dont les discours se situent à mi-chemin entre un télévangéliste et un manager de fast-food ». « C’est un produit publicitaire » qui « incarne la mort de la politique et le triomphe du storytelling, du buzz, des techniques de communication anglo-saxonne ». Il mène « la blitzkrieg sociale
» que prédisait Fillon, impose un saccage sans précédent des droits sociaux. Les auteurs montre sa grande habilité à profiter de « la confusion générale » et présentent celui dont il se réclame, Paul Ricoeur, proche du collaborationnisme pendant la guerre. Ils rappellent que le Régime de Vichy avait précisément nommé ses reportages de propagande « La France en Marche » !
Sous prétexte de faire rentrer la « société civile » au gouvernement, Macron a remplacé les professionnels de la politique par des patrons. L’ancienne PDG de Danone, par exemple, qui a fait fortune en spéculant sur les licenciements, devient ministre du travail.
Il envoie sans cesse des signaux à sa classe, des petites phrases souvent prises pour des dérapages mais qui trahissent sa conception du monde dans lequel les gagnants de l’économie humilient les perdants après les avoir dépouillés. L’une de ses premières décisions, particulièrement révélatrice, est la ponction des APL puis la redistribution aux très riches d’une somme quasiment identique à l’euro près, à travers une baisse drastique de l’ISF.
Il semble bien décidé à porter le coup de grâce au pacte social issu du programme de Conseil National de la Résistance.
Un autre article pointe les convergences entre lui, Thatcher et Pinochet. Le Chili, après le coup d’État de 1973, devint le laboratoire de la privatisation de tous les biens communs et de la dérégulation générale de l’économie, avec l’aide des économistes américains de l’école de Chicago. De 1979 à 1990, Margaret Thatcher a mené une politique anti-sociale de grande ampleur, au prétexte que « There Is No Alternative ». Macron présente avec eux une convergence conceptuelle, ainsi qu’un même mode de gouvernance basée sur une « stratégie du choc » pour imposer des orientations néo-libérales impopulaires. À l’instar de la guerre des Malouines, la menace terroriste est utilisée comme diversion et le durcissement sécuritaire permet d’étouffer les résistances.

Une enquête très documentée raconte comment, sous couvert de politique culturelle, la mairie socialiste a transformé la ville de Nantes. Un « grand remplacement » a divisé, entre 1968 et 2009, le taux d’ouvriers dans la population nantaise par deux, tandis que celui des cadres a presque triplé, provoquant une hausse des loyers et un flicage accru. Les anciens espaces ouvriers (usine LU, chantiers navals) sont valorisés par des installations culturelles avec de l’argent public avant d’être ouverts aux aménageurs privés pour y construire des logements chers. L’art subventionné par la mairie s’approprie les codes des révoltes et des mouvements les plus radicaux, tandis qu’aucune expression illégale n’est tolérée. Pour l’édition 2015 du Voyage à Nantes, un faux squat a été investi par des graveurs subventionnés, tandis qu’un vrai, hébergeant des familles sans logement, venait d’être expulsé !
Laboratoire des nouvelles techniques de surveillance et épicentre des infrastructures de contrôle, la Métropole nantaise parvient à faire accepter sa politique sécuritaire par une démarche participative. Un comité d’éthique est mis en place, « garant de la transparence et des bonnes limites de la vidéo protection ». En même temps, un appel d’offre de 2 millions d’euros est lancé, pour identifier les opposants sur les réseaux sociaux et repérer toutes les mentions négatives en général. Les donnés de téléphonie mobile sont achetées pour « connaître les flux entrants et/ou traversants le territoire ».

Une page est consacrée à l’occupation du château du Tertre appartenant à l’université, pour y abriter les mineurs isolés à la rue, après l’expulsion manu militari de l’ancienne école des Beaux-Arts.
Un lecteur engagé dans le Bataillon International de Libération auprès des YPG/YPJ au Kurdistan syrien, fait le point sur la situation et, lucide, explique que la véritable menace c’est la Turquie.
Une mise au point est apportée suite à la campagne d’intox agitant de nouveau « la montée inquiétante de l’ultra gauche ». En réalité, les révoltes n’ont jamais été aussi faibles qu’aujourd’hui. Rien à voir avec les grèves insurrectionnelles de 1947 qui, parties de Paris et du Nord, s’étendent à tous le pays. À Saint-Etienne, ce sont 30 000 mineurs qui affrontent alors les CRS !
Un dossier dénonce la complaisance des pouvoirs public, de la police comme de la justice, suite aux agressions, depuis 2014, de militants antifascistes ou de personnes d’origine étrangère, à Nantes et Rennes. Menées en groupe par des « nazis de bonnes familles » (des noms accompagnés de photos sont publiés), elles n’ont jamais donné lieu à des poursuites !

La lecture de ce magazine est un bon remède au sentiment d’impuissance que d’autres voudraient imposer.




NANTES RÉVOLTÉE – Numéro 1
Journal insolent et intelligent
Collectif
48 pages – 2 euros
Nantes – Hiver 2017/2018
https://www.facebook.com/Nantes.Revoltee/
Pour le commander : nantesrevoltee.lejournal@riseup.net 


Voir aussi :

NANTES RÉVOLTÉE – Numéro 0

NANTES RÉVOLTÉE – Numéro 2

NANTES RÉVOLTÉE N°3 - Mai/juin 2018

NANTES RÉVOLTÉE – Numéro 4 - Nos désirs font désordre

 

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