Son enquête est un peu montrée : une rencontre avec un autre chercheur aux archives du ministère de la Défense à Vincennes, un entretien avec Germaine Tillion, une visite au cimetière de Thiaroye, quelques descendants de victimes. Elle est surtout évoquée lors de conversations avec sa directrice de recherche, son petit ami tout aussi hostile et méfiant, un autre étudiant, originaire de Dakar, qui deviendra peu à peu son soutien et son confident. Le récit restitue toutes les informations, réussissant même à ménager un certain suspens.
Comment prouver que les rapports de l’armée mentent puisqu’ils rapportent tous la même version ? Consciencieusement, elle va confronter chaque document pour mettre en lumière les mensonges dissimulant ce crime d’État. Elle va démontrer que les rapports d’embarquement du Circassia, navire qui ramenait le contingent de 2000 hommes depuis la Bretagne, ont été modifiés pour en faire disparaître 300 à 400. À côté des 210 tombes anonymes du cimetière, elle devine l’existence d’une fosse commune. Le fonctionnaire de l’Ambassade chargé de préparer la venue du président Hollande pour « reconnaître la responsabilité de la France » tout en continuant à minimiser le nombre de victimes et maintenir la thèse de la mutinerie, s’obstine dans le déni. Non seulement les victimes étaient bien désarmées et pacifiques mais leurs revendications étaient légitimes puisque les sommes qu’ils réclamaient demeurent en excédent dans les caisses de l’État.
La mise en scène d’un article paru dans le numéro de l’été dernier de la revue XXI (XXI - n° 39 : NOS CRIMES EN AFRIQUE) et dont nous avons ici déjà rendu compte, est parfaitement réussie : l’efficacité de la démonstration est parfaitement portée par la narration sans que celle-ci ne paraisse un prétexte. « Morts par la France », une bande dessinée au service de la vérité.
MORTS PAR LA FRANCE - Thiaroye 1944
Patrice Perna et Nicolas Otero
148 pages – 20 euros
Éditions Les Arênes – Paris – Mai 2018
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