Pour quoi faire ?

25 juillet 2019

AUX JEUNES GENS

Publié en 1904 dans Les Temps nouveaux, Pierre Kropotkine tente
avec ce texte d’éveiller les jeunes esprits à l’idée de justice sociale, afin qu’ils aident « à l’affranchissement de ceux qui grouillent aujourd’hui dans la misère et dans l’ignorance », qu’ils mettent « [leurs] lumières et [leur] dévouement au service immédiat des opprimés ».

À chacun selon ses prédispositions et ses études, il donne quelques exemples flagrants et édifiants, « faits les plus révoltants » qui témoignent d’injustices criantes.
Au futur médecin, il explique qu’il ne s’agit pas de guérir les maladies mais de les prévenir. La science doit cesser d’être un luxe pour être la base de la vie de tous. Les vérités et découvertes scientifiques doivent être répandues, devenir « un domaine commun ».
Il exhorte l’étudiant en droit à choisir entre la loi, « toujours du côté de la propriété », et l’équité, entre la loi et la justice : « Si vous raisonnez, au lieu de répéter ce qu’on vous a enseigné ; si vous analysez et dégagez la loi de ces nuages de fictions dont on l’a entourée pour voiler son origine, qui est le droit du plus fort, et sa subsistance, qui a toujours été la consécration de toutes les oppressions léguées à l’humanité par sa sanglante histoire, – vous aurez un mépris suprême de cette loi. Vous comprendrez que rester serviteur de la loi écrite, c’est chaque jour se mettre en opposition avec la loi de la conscience et marchander avec elle ; et comme cette lutte ne peut durer, ou bien vous ferez taire votre conscience et deviendrez un coquin, ou bien vous romprez avec la tradition et viendrez travailler avec nous à l’abolition de toutes les injustices : économiques, politiques, sociales. »
Au jeune ingénieur qui rêve « d’améliorer, par les applications de la science à l’industrie, le sort des travailleurs », il démontre que « sous le régime de la propriété privée et du salariat, chaque nouvelle découverte, loin d’augmenter le bien-être du travailleur, ne fait que rendre sa servitude plus lourde, le travail plus abrutissant, le chômage plus fréquent et les crises plus aigües, et que celui qui a déjà pour lui toutes les jouissances, est le seul qui en profite ». À moins qu’il fasse taire sa conscience par des sophismes, il doit d’abord travailler « à transformer le régime de la production » pour que, une fois la propriété individuelle abolie, chaque nouveau progrès soit au bénéfice de toute l’humanité.
Il encourage le maître d’école qui souhaite « l’instruction large, humanitaire, pour tous, à l’école et en dehors de l’école », ainsi que les artistes, à se « ranger du côté des opprimés », à travailler « à la transformation complète du régime actuel dans le sens de l’égalité, de la solidarité, de la liberté ».
Ils les invitent tous à constater que « partout où il y a des privilégiés et des opprimés, il s’opère au sein de la classe ouvrière un travail gigantesque, dont le but est de briser à jamais les servitudes imposées par la féodalité capitaliste, et de jeter les fondements d’une société établie sur les bases de la justice et de l’égalité. Il ne suffit plus au peuple aujourd’hui d’exprimer ses plaintes par une de ces chansons dont la mélodie vous fendait le coeur et que chantaient les serfs du dix-huitième siècle, que chante encore le paysan slave ; il travaille, avec la conscience de ce qu’il avait et contre tous les obstacles, à son affranchissement ».

Après avoir oeuvrer à une prise de conscience générale, il les conjure d’agir. Les amateurs de science pure doivent révolutionner leurs disciplines : l’histoire, « aujourd’hui « fable convenue » sur la grandeur des rois, des grands personnages et des parlements », est « à refondre au point de vue populaire », l’économie sociale, l’anthropologie, la sociologie, l’éthique et les science naturelles sont toutes à remanier. Les médecins doivent, avec leur scalpel, « disséquer d’une main sûre cette société en voie de décomposition » et « nous répéter que l’on ne s’arrête pas devant la suppression d’un membre gangrené lorsqu’il peut infecter tout le corps ». Tous doivent sans attendre apporter au peuple le concours de leur intuition, leur esprit pratique, leurs talents d’organisation, au lieu de les mettre aux services des exploiteurs.

Enfin, de la même façon, il invite à raisonner et agir en conséquence, les « jeunes gens du peuple » : « Ou bien vous plierez le dos, vous renoncerez au sentiment de la dignité humaine, et vous finirez par subir toutes les humiliations. Ou bien le sang vous montera à la tête, vous riposterez. » Révoltez-vous, les somme-t-il, et travaillez à « l’abolition de tous les esclavages : économique, politique et social ». Joignez-vous « à ceux qui travaillent à la conquête de l’avenir ».
« Vous tous, jeunes gens sincères, hommes et femmes, paysans, ouvriers, employés et soldats, vous comprendrez vos droits et vous viendrez avec nous ; vous viendrez travailler avec vos frères à préparer la révolution qui, abolissant tout esclavage, brisant toutes les chaînes, rompant les vieilles traditions et ouvrant à l’humanité entière de nouveaux horizons, viendra enfin établir dans les sociétés humaines, la vraie Égalité, la vraie Liberté ; le travail pour tous, et pour tous la pleine jouissance de toutes les facultés ; la vie rationnelle, humanitaire et heureuse ! » « Nous sommes des millions d’hommes ; nous sommes si nombreux qu’à nous seuls nous formons la masse du peuple. (…) Nous sommes la foule immense, nous sommes l’océan qui peut tout engloutir. Dès que nous en aurons la volonté, un moment suffira pour que justice se fasse. »



Simple, clair, direct, efficace et juste.



AUX JEUNES GENS
Pierre Kropotkine
60 pages – 4 euros
Éditions D’ores et déjà – Paris – Mai 2013
http://www.doresetdeja.fr/
 




Voir aussi :

L’ESPRIT DE RÉVOLTE

LA MORALE ANARCHISTE

LA CONQUÊTE DU PAIN

AGISSEZ PAR VOUS MÊMES

 

 

 

 

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