Dans la première moitié du XVIe siècle, l’Allemagne est secouée par de violents soulèvements. Martin Luther, en contestant le commerce des indulgences par l’Église pour financer la construction de la basilique Saint-Pierre de Rome, donné le signal de départ de la Réforme, avant de se ranger aux côtés des Princes, ravis d’échapper à la tutelle du Pape : « Luther a arraché aux prêtres leur robe noire dans le seul but de la recoudre dans le cœur des hommes. » Puis, le prédicateur Thomas Müntzer parcourt l’Allemagne, incitant les paysans à poursuivre la contestation de l’ordre établi en brûlant les châteaux et restaurant le christianisme primitif et l’égalité. À sa mort, les Anabaptistes reprennent la fronde.
Q, mystérieux informateur de Gianpietro Carafa, membre du conseil théologique de Sa Sainteté Léon X, rend compte régulièrement de la situation à son maître dans de longs rapports, et lui suggère des stratégies. De son côté, il intrigue pour gagner la confiance des protagonistes de l’insurrection et les pousser à la faute le moment opportun. Un capitaine échappe à toutes les défaites et toutes les répressions, ressurgit sous un autre nom et poursuit son récit des insurrections. « Les noms suscitent de biens étranges conjonctures, ne trouvez-vous pas ? Les hommes y semblent férocement attachés, mais il suffit d'être passé par plus d'un baptême et plus d'une terre pour découvrir combien il est utile, voire agréable, d'en posséder plusieurs. »
Roman touffu et polyphonique. Grande fresque historique, sur fond d’intrigues et de trahisons, de naissance de l’imprimerie, essentielle pour la propagation des paroles… d’Évangile ou autres : « Cette technique stupéfiante, qui se développe de jour en jour comme un incendie au cœur d'un été sec et venteux, nous permet d'envoyer plus rapidement et plus loin, des messages et des encouragements aux frères qui ont poussé comme des champignons dans tous les recoins du pays. » Discours, chansons et images à l’envers (souverains bêchant la terre,…) deviennent des « projectiles […] lancés dans toutes les directions par le plus puissant canon qui ait jamais existé ».
Les quatre auteurs bolonais, cachés derrière le pseudonyme collectif Luther Blisset, excellent dans l’art de raconter, de tenir en haleine et de démêler les trames qu’ils ont savamment tissées sans jamais perdre en route leurs lecteurs.
Ernest London
Le bibliothécaire-armurier
Q
L’oeil de Carafa
Luther Blisset
Traduit de l’italien par Nathalie Baeur
752 pages – 24,50 euros
Éditions du Seuil – Paris – Avril 2001
www.seuil.com/ouvrage/q-l-oeil-de-carafa-luther-blissett/9782021483253
Titre original : Q, Guilio Einaudi editore s.p.a., Turin, 1999
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