5 août 2025

LA GUERRE SOCIALE

En septembre 1871, exilée en Suisse après avoir échappé à la répression de la Commune de Paris, André Léo (1824-1900) prononce, devant le Congrès de la paix de Lausanne, un discours dans lequel elle réhabilite les acteurs de ces semaines révolutionnaires, alors que la propagande s’acharne à les salir. Elle dénonce les massacres, leurs instigateurs et leurs complices.


Après avoir rapidement rappelé aux congressistes que « les guerres, faussement appelées nationales, ne sont que des guerres monarchiques », elle les appelle à dénoncer une autre sorte de conflit : la guerre civile, qui existe en France depuis 1848, puis s’emploie, point par point, à briser le torrent de calomnies qui étouffe la vérité : « On a flétri du nom d’assassins les assassinés, de voleurs les volés, de bourreaux les victimes. » Elle soutient que « l'ordre véritable a existé pendant ces deux mois, où Paris fut tout entier dans la main du pauvre » et qu’ensuite, « tout ceux qu'on fusillait étaient dépouillés de ce qu'ils portaient sur eux, argent et bijoux. Et l'argent, et souvent les bijoux, étaient distribués aux soldats, prime de meurtre. »

Dans sa préface, Michèle Audin la contredit sur les responsabilités qu’elle attribue à tort dans la brève application de la loi des otages, en aucun cas comparables aux exécutions systématiques commises dans le même temps par les Versaillais.

André Léo fait également la part des choses quant aux incendies intégralement attribués aux Communards. Elle explique la claire intention des monarchistes de « déblayer » Paris du peuple armé qui l’occupait, délibérait et s’administrait, dès avant le 18 mars, qui fut « de l’aveu même de tous les journaux modérés […] une provocation ». « Et pendant huit jours et huit nuits, afin que le Paris de la révolution redevînt le Paris des Empires, on en a fait un immense abattoir humain ! » Alors que 93 est encore une fois utilisé comme épouvantail, elle demande : « Quel mois de 93 vaut cette semaine sanglante, pendant laquelle 12 000 cadavres – ce sont leurs journaux qui le disent – jonchèrent le sol de Paris ? » Elle enjoint les congressistes à protester contre cette « vieille barbarie, victorieuse de tous les instincts du monde nouveau », de « mettre au ban de l'humanité ces égorgeurs et ces proscripteurs », car « tout cela ne sert qu’à préparer de nouvelles guerres, d’épouvantables guerres sociales ». Elle les somme de prendre partie. « Il y a en réalité que deux partis en ce monde : celui de la lumière et de la paix par la liberté et l'égalité ; celui du privilège par la guerre et par l’ignorance. Il n'y a pas, il ne peut pas y avoir de parti intermédiaire. » Il s’agit de défendre l’égalité ; « car la liberté ne peut exister sans elle, pas plus qu'elle ne peut exister sans la liberté ». Après cette dernière clarification, enfin, elle appelle à une large union des « démocrates libéraux et [d]es socialistes », « contre l'ennemi de la paix sociale et dans la réalisation d'un programme commun ».

Elle explique comment son intervention a été interrompue et la parole lui a été retirée au prétexte qu’elle « n’était pas dans la question ».


Au-delà de cet évident intérêt historique – premier témoignage, à chaud, d’une participante de la Commune on pourra apprécier toute l’actualité d’un texte qui dénonce les complicités acharnées d’une « petite caste » à défendre ses intérêts et ses privilèges quoiqu’il en coûte, contre les résistances et les revendications de justice sociale.


Ernest London

Le bibliothécaire-armurier



LA GUERRE SOCIALE

Discours prononcé au Congrès de la paix à Lausanne (1871)

André Léo

Préface de Michèle Audin

84 pages – 7 euros

Éditions du Bas du pavé – Collection « Mémoire du passé » – Mussidan – Avril 2025

www.lebasdupav.fr/nos-livres-et-nos-collections.html




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