Pour quoi faire ?

24 avril 2022

PARIS, 1942

Le 16 juillet 1942, la famille de Maurice Rajsfus est victime de la rafle du Vel’ d’Hiv’. Seuls, avec sa soeur, ils seront libérés. Ils ont quatorze et seize ans et vont devoir désormais grandir sans leurs parents qu’ils ne reverront plus. Chronique d’une « année terrible ». « Année de perte de toutes les valeurs. » Alors que « la masse apeurée préfère ne pas comprendre les enjeux », « les opprimés et les indifférents vivent désormais sur des planètes distinctes ». Survivant, « tel un animal blessé », il raconte cette période et ces épreuves dont il ne s’est « jamais remis totalement ».

Les rumeurs venues de « Radio-rue-des-Rosiers » annoncent sans cesse une rafle imminente. De nombreux Juifs étrangers ont déjà disparus depuis le printemps et l’été 1941. Élève en 5ème, Maurice reste indifférent aux leçons de chant avec Maréchal nous voilà ! et aux morales sur la régénérations de la France. Comme beaucoup, il souffre de malnutrition. La journée du 1er mai, qui coïncide avec la Saint-Philippe, célèbre désormais le Travail. À partir du 7 juin, il doit porter l’ « insigne spécial », comme tous les Juifs de plus de six ans de la zone occupée, et respecter le couvre-feu de 20 heures à 6 heures du matin. Le directeur du collège, décoré de la francisque, met en garde : « Laissez tranquilles vos malheureux camarades ! », prévenant une recrudescence de brimades et d’humiliation de la part d’un élève (sur 200 !) notamment, adepte de la Révolution nationale et membre des Jeunes du maréchal. Dés lors, sans doute pour ne pas risquer d’être exclus, les trois porteurs d’étoiles, sans concertation, ne participent plus aux jeux ordinaires. Ils ne peuvent plus aller au cinéma, au théâtre, à la piscine, au stade, au café, au restaurant, au square. Ils ont le droit de traverser le bois de Vincennes, mais sans stationner, d'effectuer des achats dans les magasins entre 15 et 16 heures.
Il reste extrêmement pudique sur la journée du 16 juillet. S’il raconte leur réveil à 4h30 et l’irruption des policiers, il n’évoque ensuite que brièvement l’opération et d’une manière très générale. Parti pris surprenant, alors que cet ouvrage est sûrement un de ses plus personnels. Dès lors, la survie s’organise. Il va entrer en formation et , après plusieurs essais infructueux, en apprentissage chez un sertisseur joailler. Le monde du travail lui offre un plus vaste terrain d’observation de la vie quotidienne sous l’Occupation. Les anecdotes les plus futiles côtoient de plus dramatiques. S’il parvient souvent à se faire très discret, il n’en subit pas moins régulièrement des humiliations. Un client empli de haine l’agresse, un officier allemand l'insulte et lui crache au visage en pleine rue, un « bon citoyen » lui faire remarquer qu’il n'est pas dans le bon wagon. « Je viens de découvrir les effets directs du racisme, expression de la haine ordinaire. Serrant les dents, je rejoins le ghetto qui m'est attribué : le wagon suivant. Je me raisonne, estimant qu'il y a plus grave, tout en maudissant ce salaud qui s'estime bien plus français que moi, même s'il vient de se conduire en auxiliaire des nazis. » « Il faut laisser passer l’orage, en espérant pour bientôt la fin du cauchemar. L'essentiel est de survivre le plus longtemps possible, alors que les rafles et les déportations se multiplient, pour connaître un monde meilleur. »

« En 1942, la France était un champ de ruines, un désert moral peuplé par une caricature d'héritiers du pays des droits de l’homme. » Maurice Rajsfus livre un portrait vivant et sensible de Paris cette année-là, avec son regard d’enfant juif, dont les parents viennent de lui être enlevés à tout jamais par la police. « La France des premières années de l'Occupation était-elle véritablement l'héritière de la Grande Révolution de 1789, de 1830, des barricades de juin 1848, de la Commune de Paris et du Front populaire de 1936 ?
Il est permis d'en douter. 
»


Ernest London
Le bibliothécaire-armurier


PARIS, 1942
Chroniques d’un survivant
Maurice Rajsfus
226 pages – 18,90 euros
Éditions du Détour – Bordeaux – Avril 2022
editionsdudetour.com/index.php/les-livres/paris-1942/

 

Du même auteur :

LA RAFLE DU VÉL’D’HIV

LA POLICE DE VICHY

DRANCY

1953, UN 14 JUILLET SANGLANT

Adaptation pour la scène : LA RAFLE DU VEL D’HIV

 

 

 

 

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