8 novembre 2019

LA PETITE MAISON DANS LA ZERMI - Chroniques d’un saisonnier de la misère

Thierry Pelletier, devenu « travailleur social enthousiaste » par hasard, nous livre une galerie de portraits de SDF et de toxicos tout à fait convaincants, souvenirs de rencontres dans les foyers où il exerça pendant dix ans comme veilleur de nuit ou éducateur non diplômé. S’il porte un regard lucide mais toujours bienveillant sur ceux dont il eut à s’occuper, il est beaucoup plus sévère avec ses anciens collègues et surtout avec le système : « Je n’ai plus très envie d’être le kapo bienveillant de mes frères humains. Il ne s’agit plus d’améliorer les conditions d’internement, mais bien de faire sauter le camp. »
 
Son bagout gouailleur n’épargne personne. Sans idéaliser son propre rôle pour autant, puisque depuis le licenciement qui lui a fait « lâcher l’affaire », il n’a pas consacré son temps libre « à construire le phalanstère, l’asile, la structure alternative de [s]es voeux », il pointe les travers de l’époque, « celle du triomphe absolu du capitalisme », où la misère est « redevenue une indignité capitale ». Son constat est sans appel : « Je ne vais pas me fatiguer à essayer de démonter les rouages d’un système qui broie des hommes et en sous-paye d’autres pour maintenir les premiers dans une survie résignée.
De toute façon, seuls les imbéciles et les porcs peuvent encore croire à la pérennité d’un tel monde. » « Si la grande désocialisation et la toxicomanie sont bien des pathologies mentales, je trouve, moi, plutôt sain de refuser ce monde, fût-ce à en perdre la raison. La « normopathie », ce refus d’une singularité qui nous rattache pourtant à l’universel, me semble une affection bien plus grave et bien plus répandue. La sanctification du travail, la volonté de réinsérer des gens qui veulent ou ne peuvent pas bosser – alors que du boulot, y’en a et y’en aura de moins en moins et que, de toute façon, la plupart des activités salariales possibles participent à la destruction de la planète – sont des lubies aussi folles que vaines. »





LA PETITE MAISON DANS LA ZERMI
Chroniques d’un saisonnier de la misère
Suivi de TOX ACADEMY
Thierry Pelletier
114 pages – 10 euros.
Éditions Libertalia – Paris – Mars 2003
http://www.editionslibertalia.com/




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