Pour quoi faire ?

20 août 2022

MANIFESTANTE

Anna, 29 ans, participe par hasard à sa première manifestation. Nassée, chargée, arrosée de gaz, elle découvre la répression mais aussi la bienveillance qui s’instaure spontanément entre les participants. Le besoin de s’informer, de revenir, de s’engager s’impose à elle. Les injustices quotidiennes lui apparaissent soudain et elle va s’éloigner de certains amis dont les préoccupations lui semblent désormais futiles. Il est vrai que les causes à défendre sont nombreuses : droits des femmes, des migrants, justice sociale et écologie, anticapitalisme et violences policières,… « Avant, je ne voyais pas, ou alors je faisais comme si je ne voyais pas, j'avais normalisé… Mais maintenant, tout m’explose à la figure… Tout me rend folle, j'ai l'impression qu’on sait tous que rien ne va et que le monde est à l’envers, et qu'on ne peut rien changer… »
Sa grand-mère à qui elle rend visite régulièrement à la maison de retraite, lui raconte sa jeunesse à Turin au début des années 1960 : les grèves générales, les violents affrontements sur la Piazza Statuto,…
Sa conscientisation progressive, ses doutes, ses interrogations sont parfaitement suggérés, par petites touches discrètes, des dialogues  soigneusement pensés. Elle quitte ainsi une condition atomisée, imposée par notre société marchande, pour découvrir et s'inscrire dans un tissu de solidarités. Une manifestation est « un rituel collectif […] qui redonne de l’énergie ». On continue « malgré les claques et les échecs », « parce qu’on pense à celles et ceux qui ont réussi… et peut-être aussi pour se dire que, face à ce qui est en cours, on aura au moins essayé de lutter… ». « Et pourquoi le problème ça serait d'être en colère et pas de ne jamais l'être ? »

Si on pourra se sentir quelque peu dérouté, gêné même, au commencement de cette lecture, par la naïveté du propos, celle-ci correspond parfaitement à l’immaturité d’alors de la narratrice. Progressivement, son analyse s’affine et gagne en profondeur. Cette histoire est finalement fort bien fichue, forte certainement d’une expérience personnelle, restituant aussi bien la diversité des causes que des profils militants, les écueils et les dangers rencontrés. Mine de rien, Hélène Aldeguer a réalisé ici une sorte d’enquête sociologique d’une grande finesse, qui se lit comme un témoignage très personnel.

Ernest London
Le bibliothécaire-armurier


MANIFESTANTE
Hélène Haldeguer
120 pages – 19,50 euros
Éditions Futuropolis – Paris – Août 2022
www.futuropolis.fr/9782754832588/manifestante.html



Voir aussi :

LA MÉLANCOLIE DE LA NASSE

RADICALISATION EXPRESS - Du gaullisme au Black Bloc

 

 

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