27 septembre 2018

LA COSMOLOGIE DU FUTUR

Des oiseaux échangent leurs commentaires sur la politique en évoquant leurs teufs et leurs sabotages. Ils désossent le système de refroidissement de la centrale de Nogent pour en faire des sculptures. Depuis que les mésanges bleues ont picoré à mort Jean-François Copé, les candidats à l’élection présidentielle se font rares. Mélenchon et Hamon se font tirer l’oreille et voudraient se consacrer à l’entretien de leur jardin partagé. Ils acceptent tout de même de débattre des modalités d’introduction d’une « forme d’anthropophagie rituelle dans la culture occidentale », « solution la plus sûre pour que plantes et animaux soient durablement considérés comme des sujets ». Un anthropologue jivaro participe à une « réunion d’anciens » à la terrasse du Café de la gare de Bois-le-Roi en Seine-et-Marne pour comprendre, à travers leurs conversations, la nature « du culte solaire dont ils semblent être les prêtres ».


Ancien chercheur en sciences cognitives et en philosophie, Alessandro Pignocchi utilise l’anthropologie en bande dessinée pour tenter de brouiller nos repères, pour faire exploser les frontières et les points de vue, plutôt que de les inverser. On pourra trouver l’exercice amusant mais aussi chercher à approfondir ses intentions. Le texte qui conclut l’ouvrage nous aide à comprendre pourquoi il voudrait nous « apprendre à penser sans la notion de « nature », à débarrasser la pensée occidentale de la dichotomie culture/nature (sauvage). Convaincu, avec le sociologue et philosophe des sciences Bruno Latour, qu’« une part au moins de l’élite ne croit plus depuis longtemps à une mondialisation heureuse pour tous et a fait sécession du reste de l’humanité », sans pour autant parler de complot, de planification, ni même de formulation consciente, il espère que la culture occidentale va évoluer vers une nouvelle forme cosmologique, la « cosmologie du futur » que l’anthropologue Philippe Descola nomme « l’analogisme », qui ne dissocierait pas les questions écologiques des questions sociales. Les luttes doivent devenir « existentielles ». Il désigne les ZAD comme les avant-gardes de ces combats , comme l’illustre parfaitement ce slogan germé à Notre-Dame des Landes : « Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend ». Il reconnait dans leur méfiance viscérale, leur dégoût pour tout déséquilibre de richesse et tout pouvoir centralisé, « un trait cosmologique finalement pas si éloigné de celui que Pierre Clastres attribue aux indiens d’Amazonie ».

Les différents niveaux de lecture de cette bande dessinée permettent à chacun d’y trouver son compte. La richesse des références implicites et l’ampleur de ce qui est dit entre les lignes invitent à approfondir la lecture en revenant souvent à cette vulgarisation anthropologique à l’usage de demain. Il ne reste plus qu’à espérer avec l'auteur que « le travail de clarification » effectué actuellement par l’administration Trump accélère réellement « l’effondrement du système, la reconstruction d’un monde fondé sur l’entraide », l’apparition d’une société inspirée par les ZAD.




LA COSMOLOGIE DU FUTUR
Alessandro Pignocchi
130 pages – 14 euros
Éditions Steinkis – Paris – Mai 2018

Le blog de l’auteur : https://puntish.blogspot.com/

et une interview de lui.


La suite de cet ouvrage : 
PETIT TRAITÉ D’ÉCOLOGIE SAUVAGE

MYTHOPOÏESE
 
Et aussi, du même auteur :

LA RECOMPOSITION DES MONDES

 

 


Voir aussi :

 

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