11 octobre 2021

CEUX DU CHAMBON

Etienne Weil n’a que 3 ans, « trop petit pour comprendre ce qui se passe vraiment », lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate. Son père, dont la famille est installée dans le 11e arrondissement de Paris depuis le XVe siècle, et qui a combattu dans l’armée française, doit se résoudre à déménager pour protéger sa famille. Après bien des péripéties, avec son frère aîné et bien d’autres enfants comme eux, « des enfants en danger », il sera accueilli au Chambon-sur-Lignon.
À partir de son récit, tranches de vie au coeur de l’histoire, le scénariste Matz a imaginé cette bande dessinée, répartissant tour à tour la narration entre les points de vue de chacun des membres de cette famille ordinaire, qui fuit une menace imprécise mais non moins redoutable. Les changements d’identités étaient alors, avec quelques complicités, encore possibles. Le préfet de la Haute-Loire, Robert Bach, ordonna même la fermeture de la gendarmerie du Chambon-sur-Lignon au prétexte qu’il ne s’y trouvait plus de Juifs, tandis que cinq mille enfants étaient accueillis dans le secteur. Puisse cette exemplarité inspirer ses successeurs et les encourager à protéger de la loi ceux que celle-ci menace et ne pas les renvoyer vers ce qu’ils ont fuit, par exemple. Le charisme du pasteur Trocmé, homme de paroles s’il en est, apparaît notamment à l’occasion de quelques échanges. En chaire, il explique : « Nous résisterons lorsque nos adversaires voudrons exiger de nous des soumissions contraires aux ordres de l’Évangile. Nous le ferons sans crainte mais aussi sans orgueil et sans haine… » Et à des gendarmes venus l’interroger sur la présence de Juifs, il rétorqua : « Nous ignorons ce qu’est un juif. Ici, il n'y a que des hommes. » L’instituteur Darcissac et le docteur Leforestier, sont également évoqués, tandis que nombre d’anonymes le demeurent. L’entraide contre l’injustice apparait cependant à chaque coin de page, depuis les employés des chemins de fer qui n’hésitent pas à cacher des passagers pour leur faire franchir les frontières jusqu’à l’institutrice stéphanoise qui avertit la mère d’Etienne de l’existence de ces foyers de bienveillance. Les trahisons et les dénonciations aussi sont communes.

Sobre, sans épanchement, cette bande dessinée historique respecte le témoignage dont elle s’inspire, sans l’entrainer vers un héroïsme malvenu. La réalité du quotidien de l’époque est plutôt bien restituée. Comme il se doit, elle éveillera certainement des échos chez certains lecteurs. Car l’histoire ne doit-elle pas nous enseigner comment éviter qu’elle ne se répète ?

Ernest London
Le bibliothécaire-armurier


CEUX DU CHAMBON
1939-1944 - L’histoire vraie de deux frères sauvés par les Justes
Matz, Kanellos Cob et Kathrine Avraam
140 pages – 18 euros
Édition Steinkis – Paris – Octobre 2021
steinkis.com/livres/ceux-du-chambon/ceux-du-chambon.html



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