20 juillet 2025

LES WENDATS

Membre du clan de la Grande Tortue et originaire du Village-des-Hurons (Wendaké ), Georges E. Sioui raconte l’histoire de ses ancêtres Wendats et des autres nations amérindiennes de la civilisation du Cercle. Il retrace l’origine de leurs idées sociales et philosophiques, poussé par « un désir incompressible de délivrer leur mémoire de l'inattaquable geôle conceptuelle que construisit jadis pour elle l'histoire blanche et où elle l'enferma pour jamais ».

Par le terme wendat se désignaient les cinq nations confédérés du territoire Wandaké (Huronie ontarienne) qui occupaient la place de peuple-chef dans la hiérarchie politique d'un ensemble de peuples autochtones du Nord-Est de l'Amérique du Nord, constituant l’un des réseaux commerciaux les plus étendus et unifiés. De même que la notion de « chef », dans le sens de quelqu'un qui dirige et commande, est étrangère à l'idée sociale des Amérindiens qui ne considèrent comme tel que celui qu'ils choisissent pour sa capacité à porter leur voix unanime, celle de « peuple chef » désigne celui qui est reconnu pour son autorité à « garder le Feu du Conseil des Nations ». L’auteur considère que la qualification de « iroquoienne » pour désigner la famille linguistique à laquelle se rattache les Wendats, selon la terminologie historique traditionnelle, occulte l'importance du rôle joué par ce peuple dans la destinée de l’Amérique, et fixe dans l'histoire une inimitié entre les Wendats et les Iroquois. C'est pourquoi il propose d’utiliser l'adjectif « nadouek », comme se désignaient les Algiques et qui a l'avantage de l'impartialité au regard de la géopolitique amérindienne moderne.

Confrontant l'histoire orale, la mythologie, la cosmologie, la linguistique et l'archéologie, il tente d'établir l'origine de ce peuple, leur probable trajet migratoire qui dura vraisemblablement des millénaires. Les mythes de la création, notamment celui des « Deux jumeaux », lui permettent d’illustrer la morale wendate, et amérindienne en générale, selon laquelle le Bien absolu est un danger aussi grand que son contraire pour la conscience de l'humain, à la différence de la morale chrétienne qui le préconise et le recherche. « En réalité, un monde immoral serait celui où n’existeraient ni la mort, ni la douleur, ni la difficulté, car ces trois dernières sont source de compassion, de laquelle proviennent toutes les vertus sociales, c’est-à-dire la société elle-même. » Il explique que pour « pour les sociétés du Cercle, la vie est une réalité universelle, indivisible en classe, règles ou ordres, dont chaque expression est un produit de l'ensemble ». Il rapporte aussi plusieurs contes, qui constituent un véritable code moral chargé de transmettre la « sagesse du Peuple, acquise depuis la genèse de son existence », ainsi que les mythes à l’origine des huit clans Wendats, fondés par des mariages de femmes Wendates avec des êtres-Oki non humains d'espèces animales qui leur donnèrent leur nom : la Tortue, le Chevreuil, le Loup, l’Ours, le Castor, le Faucon, le Serpent et le Porc-épic.


Les travers des archéologues face aux vestiges amérindiens sont pointés de doigt – notamment leur mépris pour l’histoire orale des peuples étudiés – puis datées les différentes périodes préhistoriques identifiées, notamment l'apparition des premiers sites habités à l’année et l'adoption de l'agriculture vers l’an 900 avant notre ère. Si les raisons de cette décision ne seront sans doute jamais connues, Georges E. Sioui suppose toutefois que cette installation dans des territoires-carrefours pour constituer des greniers dans lesquelles puiser en temps de disette, permettait de maintenir le mode de vie traditionnel de chasseurs et de compenser une faiblesse démographique par un rôle de producteur et fournisseur agricole et une spécialisation dans le commerce et les affaires internationales.


Les relations des Jésuites, principalement, lui permettent de décrire avec précision les modes sociaux des Wendats à l’époque du contact, notamment leur rapport aux animaux et aux plantes. « Généralement, les peuples aborigènes du continent (les Amérindiens) voient dans l'état de crise écologique planétaire, dénoncée par une masse de plus en plus grande de citoyens des pays industrialisés (les plus directement responsables de cette crise) l'évidence d'un échec d'une pensée sociale jadis apportée par les envahisseurs blancs ici et dans les autres parties “découvertes“ du monde. Les autochtones, ainsi justifiés dans leur longue résistance à ce système de valeurs étranges, se trouvent devant une responsabilité sociale dont ils ont longtemps prévu l'avènement et qu'ils revendiquent comme l'un des fondements importants d'une réaffirmation de leur droit d'être et de survie. » La comparaison avec les Européens, tant du point de vue de la condition physique que de la philosophie, est constante : « Les sociétés du Cercle reconnaissants intrinsèquement l'unité fondamentale et sacrée de toutes les choses créées, ne peuvent logiquement concevoir une société humaine divisible et ségrégationnée. D'ailleurs, une telle “vision“ sociale ne peut être que celle de promoteurs d'un “ordre“ social économique dont ceux-ci ont fait leur pouvoir matériel personnel, ainsi que celui des élites qui maintiennent par la force ce pouvoir. » Le rôle déterminant des femmes est également abordé, ainsi que l’éducation des enfants, la fonction des rêves, des jeux,…


Étude bien plus complète que nous n’avons pu le rapporter. Encore un ouvrage fondamental pour saisir (sans idéaliser pour autant) le gâchis d’une occasion manquée et la richesse d’un héritage qui ne demande qu’à être partagé : « Le mépris pour le Cercle paraît toujours démesuré dans la pensée civilisée. Cela constitue un véritable paradoxe, car les sociétés circulaires ont été tellement plus productrice d'égalité, de bonheur, de plénitude sociale et d'abondance que les sociétés linéaires. »


Ernest London

Le bibliothécaire-armurier



LES WENDATS

Une civilisation méconnue

Georges E. Sioui

390 pages – 35,95 dollars

Éditions des Presse de l’Université Laval – Sainte-Foy (Québec) – 1994

www.pulaval.com/livres/les-hurons-wendat-une-civilisation-meconnue



Du même auteur : 

POUR UNE HISTOIRE AMÉRINDIENNE DE L’AMÉRIQUE


Voir aussi :

DIALOGUES DE M. LE BARON DE LAHONTAN ET D’UN SAUVAGE DANS L’AMÉRIQUE




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