Pour quoi faire ?

16 juin 2021

L’ANARCHIE – POUR AINSI DIRE

Dans le monde antique, aussi bien en Chine, en Grèce qu’en Inde, la philosophie était presque exclusivement écrite sous forme de dialogue : la pensée était supposée collective ou « dyadique » et le but de la philosophie était de se cultiver jusqu’à ce que la conscience individuelle soit possible. Si la pensée chrétienne s’était déjà éloignée du dialogue, c’est Descartes qui introduit la césure, renversant entièrement la procédure en commençant par l’individu conscient de soi, puis se demandant comment celui-ci peut établir une communication avec autrui. Une grande partie de la pratique anarchiste repose sur le principe dialogique : « On prête une grande attention à prendre des décisions pragmatiques et coopératives avec des gens qui ont des visions du monde fondamentalement différentes, sans essayer de les convertir à un point de vue particulier. » Cette proposition de discussion avec Mehdi Belhaj Kacem, Nika Dubrovsky et Assia Turquier-Zauberman, ne pouvait donc que ravir David Graeber. Ensemble, ils questionnent l’anarchie dans la sphère du politique.
Le paradigme du mouvement social radical demeure le marxisme. Tandis que les « factions marxistes » se divisent sur des points de doctrine, les anarchistes discutent des formes d’organisation. Ils sont potentiellement conciliables, dans la mesure où le marxisme est un moyen d’analyse théorique et l’anarchisme une éthique de la pratique. La « définition la plus serrée » qu’a pu donner David Graeber, est que « l'anarchisme n'est ni une attitude, ni une vision du monde, ni même un ensemble de pratiques ; mais un processus permanent de va-et-vient entre les trois. »
Les exigences syndicales du début du XXe siècle portaient, pour les socialistes, sur les augmentations de salaire, c’est-à-dire une société de consommation pour tous, tandis que celles des anarchistes réclamaient une baisse du temps de travail. En Russie, en Chine et en Espagne, où les révolutions ont été couronnées de succès, elles ont été l’oeuvre de paysans récemment prolétarisés, « qui n’avaient pas complètement oublié l’esprit de la production autonome ». Si les États socialistes promettaient une utopie de consommation (jamais réalisée),  ils ont en réalité, sans jamais l’admettre, accordé des « avantages sociaux anarchistes » : des pays pauvres sont devenus des puissances mondiales, envoyant même des personnes dans l’espace, tout en travaillant 4 à 5 heures par jour ! Dans Bullshit jobs, David Graeber, a fait valoir que « le problème clé de la théorie marxiste, qui est devenu le bon sens populaire au XIXe siècle, est que la théorie laborieuse de la valeur était entièrement fondée sur une notion essentiellement théologique de la production ».
Malatesta constatait l’obsession par l’idée que l’absence de système juridique coercitif ne pouvait mener qu’à un chaos violent, ainsi que la confusion créée par la croyance que les anarchistes seraient partisans du chaos violent, alors que l’anarchie ne cherche qu’à contourner la dialectique d’un « univers fasciste, où la force et la loi sont les uniques principes ontologiques recevables ».

L’offensive sans précédent contre les droits acquis par les générations précédentes est soutenue par une « culture vraiment toxique » qui, dans sa version de droite, interroge sur le mérite de soins sanitaires, d’une pension ou d’une égale protection devant la loi, et, dans sa version de gauche, apprend aux gens à « checker » leurs privilèges. Graeber a vécu deux ans à Madagascar, pendant une période où, après la révolution des années 1970, les communautés rurales reconnaissaient l’État-nation bien que celui-ci ait abandonné les campagnes, tout en s’auto-organisant en dehors de toute coordination hiérarchique. En rentrant au États-Unis, il comprit que si les Américains sont fiers de leur société démocratique, ils ne prennent de décision collective que pour commander une pizza ou choisir un film, car on les a convaincu, par toutes sortes d’institutions, que plus de démocratie était impossible. « Considérez, par exemple, le réseau routier. Prendre un train ou un bus fait ressortir un certain type de comportement. Être en voiture en fait ressortir un autre. Ce n'est pas sans raison, je pense, que les Américains et les nazis ont aussi consciemment privilégié la culture automobile au détriment des transports en commun : cela renforce un certain sens de la “nature“ humaine. » Les Romains, les premiers, ont mené une propagande contre la démocratie, pour faire oublier l’Agora athénienne, en limitant l’expérience de prise de décision collective aux jeux du cirque, qu’il donne en exemple de ce qu’il nomme le « phénomène du miroir laid » : « Rome a largement justifié son pouvoir en prétendant imposer un système équitable de droit rationnel. Mais ces mêmes magistrats ont organisé des formes de divertissement pour transformer les masses en une foule lyncheuse, pour attiser des passions folles, des alternances de soif de sang et de prestations somptuaires, de factionnalisme, de culte des idoles, de bouc émissaire… tout cela fut conçu pour convaincre que la démocratie elle-même serait un désastre, qu'il fallait la confiner aux jeux, et laisser les professionnels s’occuper du droit et de la gouvernance. Ce fut extraordinairement efficace. » Assia Turquier-Zauberman prolonge ce raisonnement en rappelant que Pierre Clastres avait montré comment les sociétés acéphales s’opposaient aux possibilités latentes de structures de pouvoir. Tandis qu’elles se rappelaient constamment les dangers de l’autoritarisme, nous nous rappelons constamment les dangers de la liberté.
David Graeber rapporte aussi qu’Immanuel Wallerstein considéraient que les révolutions avaient un impact mondial, depuis 1789, ne serait-ce que par un recalibrage du sens commun, s’il n’y a pas changement dans la répartition du pouvoir, avec des effets retardés et différents : « 1848 a été réalisé dans la Commune de Paris, 1968 a été réalisé dans l’effondrement du mur de Berlin », « c’est la révolution russe qui a provoqué l’état-providence américain ». Nika Dubrovsky lui confirme qu’alors qu’ils manquaient de tout de l’autre côté du rideau de fer, « les capitalistes comblaient les travailleurs en Amérique ou en France de bénéfices sociaux pour qu’ils ne viennent pas de notre côté ». Graeber considère que le mouvement Occupy et le printemps arabe ont permis de comprendre que la démocratie était incompatible avec l’État.

Le marxisme a adopté une définition patriarcale et machiste du travail, qui s’est étendue au politique. Le « travail féminin » (nourrir, nettoyer, réparer, entretenir,…) a été mis de côté dans la formulation marxiste classique. Alors qu'en Amazonie, c’est « le processus de transformation de l'appropriation prédatrices en soins nourriciers qui est le paradigme de la propriété », l'obsession de la production comme origine de la propriété a sapé la théorie laborieuse de la valeur, permettant aux capitalistes d'inverser les termes et de se déclarer véritables créateurs de richesse.
L'apport du féminisme à la sensibilité anarchiste est le souci du particulier – cette personne, ce problème, ce paysage ou cet écosystème – auquel est apporté l'universalité des principes – raison, justice, non-violence – pour soutenir cet engagement initial.  « Le général est amené à servir les intérêts du particulier, et non le particulier à découler de principes généraux. »
La politique parlementaire est le contraire de la démocratie dans le sens où l’entend l’anarchisme : la classe politique est en accord sur tout, de la théorie économique à la nature de la réalité en passant par l'opportunité et la possibilité d'un changement social, mais passe son temps à créer des divisions artificielles sur des sujets polarisants. « Les anarchistes commencent avec des groupes de personnes qui vivent dans des réalités radicalement différentes, et essaye de créer des unités pragmatiques, sur des plans d'action particuliers. »
David Graeber soutient que le communisme, comme « pratique, lorsque des gens interagissent réellement sur la base de “de chacun selon ses capacités, à chacun ses besoins“ », est à la base de toutes les sociétés. « L'offre et la demande » est la transposition de « la capacité le besoin ». « Le capitalisme n'est qu'une mauvaise façon d'organiser le communisme. »

L'État correspond à trois principes différents, avec des origines historiques distinctes, réunies par hasard mais dont nous sommes convaincus qu’elles entretiennent une relation nécessaire :

  • La souveraineté, c'est à dire « la capacité à exercer un pouvoir coercitif sur un territoire », sans limite dans la violence, en toute impunité.
  • Le principe d'organisation administrative qui concerne le contrôle des connaissances.
  • L'existence d'un champ politique compétitif.

L'archéologue David Wengrow propose la théorie que la plupart des premiers états ne reposent que sur deux de ces trois principes et projettent le troisième dans le cosmos. Et aujourd’hui, le FMI, la Banque mondiale, l’OMC, les agences de notation de crédit, les sociétés transnationales, les ONG, etc, constituent un système administratif mondial qui ressemble à un État mondial.

Les Pères fondateurs des États-Unis étaient fermement opposés à la démocratie, terme qui à l’époque était interchangeable avec celui d’anarchie, dans le sens où tous deux évoquaient le risque de gouvernement de la foule. D’ailleurs, la Déclaration d’indépendance, comme la Constitution n’en font pas mention, et les assemblées populaires qui ont émergé pendant la révolution, ont été supprimées, comme les soviets. Préférant le modèle romain au modèle athénien, ils ont opté pour une constitution mixte : l'Exécutif représentant le principe monarchique, le Sénat, le principe oligarchique et le Congrès, le principe démocratique. « Ces institutions conçues pour supprimer la démocratie ont donc été rebaptisée “démocratie“et les gens vivent depuis dans cette contradiction : la démocratie est à la fois l'idéal de participation des gens à la prise de décisions affectant de leur propre vie, et un ensemble d'institutions conçues pour rendre cela aussi difficile que possible. »
En commençant à travailler, avec David Wengrow, sur leur ouvrage sur l’origine des inégalités sociales, il s’est aperçu que l’inégalité n‘est devenu un concept qu’au XVIe et XVIIe siècles, avec des idées venues du Nouveau Monde et des notions de droit naturel, alors qu'auparavant, bien que les inégalités soient partout, la question de leur origine ne se posait jamais. Les relations jésuites prennent très au sérieux la critique indigène de la société européenne. Les jésuites constataient que la liberté fonctionnait très bien, que les autochtones ne croyaient pas aux ordres et n’avaient pas de lois punitives. « L’idée des sociétés amérindiennes en tant que sociétés des égaux émerge de la rencontre dialogique, comme point de contraste. » Kondiaronk, Wendat rencontré par Lahontan qui a mis en dialogues ses prises de position, a été le premier « à plaider systématiquement en faveur de l’égalité sociale, dans une perspective rationaliste », soutenant que le droit répressif est rendu nécessaire par l’argent qui pousse à des comportements que le droit est censé réprimer. « L'idée d'évolution sociale est une réponse directe à la critique indigène de la société européenne. »

Ils évoquent longuement l’anthropologie, son histoire et ses spécificités aux États-Unis, son rapport à l’art, à l’économie. « Shalins a soutenu que l'économie n'était pas seulement théologique en fin de compte, mais qu’elle émerge directement de la théologie chrétienne et partage les mêmes prémisses d’un monde déchu et où la condition humaine est faite de désirs infinis : les hypothèses économiques sur les ressources rares ou la maximisation des individus sont vraiment dans le droit fil de Saint-Augustin. »

Considérant les origines historiques des relations de domination et de l’État, David Graeber estime que des relations bienveillantes ont été perverties, aussi propose-t-il de « supprimer complètement les termes de production et de consommation comme base de l’économie politique pour les substituer par ceux de soin et de liberté ». On construit un pont, par exemple, par souci de pouvoir faire traverser un fleuve. Le soin est une « action destinée à maintenir ou augmenter la liberté d’une personne ». Il conçoit la liberté en termes de jeu : c’est « le jeu perpétuel du principe du jeu contre les règles qu’il a créées ».
La définition spécifique de la liberté provient du droit romain et concerne la propriété. La propriété c'est le droit, la liberté absolue de faire ce qu'on veut avec ses possessions, avec son corps, ses vaches, ses esclaves. En fait, cette liberté est strictement réglementée. Dans le cas d’une voiture par exemple, le seul droit absolu est celui d'empêcher quiconque de l’utiliser. C'est un droit contre le monde entier. Une intéressante controverse à propos de la conception de la liberté chez Kant, occupe nos débatteurs un moment. Graeber oppose à cette définition libérale de la liberté, qu’une personne est libre dès lors qu’elle a la capacité de se faire des amis, à entrer volontairement dans des relations de contraintes et d’en sortir. « Dans les langages germains, y compris l’anglais, le mot free (libre) vient de friend (ami), parce que l'idée est qu'un esclave ne peut pas avoir d’amis. » Il utilise la distinction qui existe en anglais entre les jeux (games) et jouer (play), c’est-à-dire suivre strictement des règles ou bien les improviser. Le jeu observé chez les animaux, depuis Kropotkine, démontre que tout n’est pas régi par l’intérêt et que le seul plaisir peut être une motivation suffisante.
« Mehdi Belhaj Kacem : Être anarchiste s'est créer à tout instant les règles avec autrui, et pas simplement s'opposer à un système de règles…
David Graeber : Oui, sinon tu es simplement un rebelle. »

Ce dernier rappelle la découverte archéologique de sépultures royales, de chasseurs de mammouths, contenant quantités de biens et des restes de personnes de petites tailles, de géants, de bossus, comme si le pouvoir commençait par une chose burlesque : « “l’État“commence comme un parent du cirque et le demeure toujours dans une mesure ou une autre. »  « Je suis convaincu que le lien entre domination, soin et monstruosité (monstruosité au sens moral, social, physique, sexuel…) est très profond. En fait, je suis de plus en plus convaincu que c'est le vrai secret de la façon dont les humains on perdu leurs libertés les plus précieuses, qui fait que nous nous retrouvons dans un véritable fascisme. »
De nombreuses sociétés existent sans principe de souveraineté au quotidien. Marshall Sahlins a montré que « la société politique originaire » était un État autoritaire dans lequel les dirigeants sont des esprits ou des dieux. Les rois sacrés prennent toujours le pouvoir par un grand crime, pour montrer qu'ils ne sont pas soumis aux lois humaines.

Définir ce qui ne va pas dans le monde en se concentrant sur l’inégalité suppose une « approche technocratique libérale », le problème n’étant pas que certaines personnes aient plus que d’autres mais qu’elles puissent transformer leur richesse en pouvoir. Les fables sur l’ « origine des inégalités » trouvent écho notamment en raison de l’image répandue de chasseurs-cueilleurs vivant comme les groupes égalitaires restant et supposés ressembler à ces populations d’il y a 200 000 ans. Pourtant Marcel Mauss, dans son Essai sur les variations saisonnières des sociétés eskimos, montre que les Inuits se dispersaient en petites bandes patriarcales en été, suivant des règles strictes de propriété privée et étant sexuellement puritains, puis se rassemblaient en hiver dans des micro-villes, selon des accords de propriété communautaire, en s’adonnant à d’immenses orgies. Tous avaient des noms différents selon la période de l’année. Il est ainsi admis couramment que la structure sociale n’était pas immuable. Nous avons perdu :

  • la liberté de partir, alors que les « sociétés libres » avaient l’obligation de l’hospitalité,
  • la liberté d’ignorer les ordres,
  • la liberté de remanier entièrement l’ordre social, saisonnièrement ou autre.


Il est également question, exemples à l’appui, du remplacement de pratiques complexes par leur représentation simplifiée : les auteurs médiévaux décrivaient des États-nation alors que l’Europe était organisée en formes complexes de souverainetés qui se chevauchaient ; alors que tout le monde opérait des revenus cibles et maximisait le temps de loisirs, la conception augustinienne de nature humaine décrivait un désir d’accumulation illimitée, etc.

Graeber remet aussi en cause l’injonction faite aux chercheurs en sciences sociales à évoquer des événements comme inévitables et prévisibles : « L'une des raisons pour lesquelles je passe autant de temps à réécrire le passé est que je suis convaincu qu'il est pour l'instant écrit de manière à nous empêcher d'imaginer un avenir viable. C'est pourquoi je persiste à ennuyer tout le monde en insistant sur le fait que le communisme existe déjà. » En Amérique du Nord, une civilisation urbaine centralisée, Cahokia, a existé vers 1000 après J.-C., puis s'est effondrée. Les peuples autochtones découverts par les colons européens, racontaient son histoire dans leurs mythes, mais la plupart des historiens supposent pourtant que ceux-ci ont toujours vécu sans mouvements sociaux et sans conflits politiques : « Les Lumières viennent de mouvements sociaux antérieurs, et ont pour héritage de nous convaincre qu'avant les Lumières personne ne pouvait avoir un mouvement conscient de soi. »

Impossible ici de tout rapporter. Notons tout de même encore que David Graeber retourne l’accusation habituelle faite à l’anarchisme d’avoir une confiance naïve dans la nature humaine : « Vous ne pouvez tout simplement pas donner aux gens un pouvoir arbitraire sur les autres et vous attendre à ce qui n'en abusent pas. » Il montre également comment les intimidations fonctionnent avant tout avec la complicité du public : « Pour moi, l'essence de l'intimidation est qu'il s'agit d'une forme d'agression conçue pour provoquer une réaction qui peut ensuite être utilisée comme justification rétrospective de l'agression initiale. »
Beaucoup de guerres récentes, au Vietnam, en Algérie, en Angola, en Syrie, en Irak, sont menées comme des actions policières, contre des ennemis qui ne sont pas reconnus comme légitimes, contre lesquels presque toutes les règles sont enfreintes. Ainsi, au début de la guerre en Irak, un groupe de rebelles a capturé un soldat américain et proposé de l’échanger selon les conventions de Genève. « Nous ne négocions pas avec les terroristes. » ont répondu les Américains.
Les mouvements altermondialistes ont permis de rendre visible la bureaucratie administrative mondiale. Après Seattle, le FMI a été expulsé de la plupart des pays du monde, mis au bord de la faillite. La guerre contre le terrorisme était « une tentative de créer une logique de police au niveau planétaire », qui n'a pas fonctionné.
La véritable structure du pouvoir n'est pas la dialectique maître-esclave hégélienne, mais la scène d'intimidation trinitaire.
Un « état de choses anarchique », une révolution, peut advenir par le moyen d’une double souveraineté. Nous n’allons pas avoir de moment insurrectionnel pendant lequel l’État s’effondre. Au Rojava, ont été créées une structure de pouvoir descendant qui permet de traiter avec la communauté internationale, et une structure de pouvoir ascendant, « forme de démocratie directe constituante, basée sur des assemblées imbriquées ». « C'est l'absence de ce type de structures à pouvoir double qui nous laisse embourbés dans la politique de l’opinion. » « Qu'est-ce qu'une “opinion“ ? Quelque chose que vous avez lorsque vous n'avez aucun pouvoir. »
Le Brexit est le résultat d’un sondage d’opinion plutôt que d'un processus délibératif. En démocratie directe, 52-48 est un résultat ex aequo : la question a été mal posée et il faut recommencer.
L’absence d’expérience délibérative, d’écoute mutuelle, d’exploration conjointe des perspectives, influence les manières de communiquer. Les enfants pratiquent pourtant cela interminablement, puis le système éducatif élimine cet instinct pour le réintroduire à l’intention d’une élite sélectionnée, pour être appliqué avec malveillance ou mauvaise volonté, devenant une rhétorique pour lier les mains de l’adversaire.

Après ce tour d’horizon assez étourdissant, tant les notions abordées sont variées et les fulgurances intellectuelles nombreuses, David Graeber propose un semblant de conclusion : « L’anarchisme concerne la possibilité qu'une foule devienne plus intelligente que n'importe lequel des membres individuels qui la composent. Il s'agit de créer les modes de communication et de délibération qui permettraient que cela se produise. D'où l'accent mis sur la pratique. »

Un ouvrage qui n’est pas près d’être rangé sur les étagères, tant sera pressant le besoin d’y revenir souvent.


Ernest London
Le bibliothécaire-armurier

L’ANARCHIE – POUR AINSI DIRE
Conversations avec Mehdi Belhaj Kacem, Nika Dubrovsky et Assia Turquier-Zauberman
David Graeber
232 pages – 18 euros
Éditions Diaphanes – Collection « Anarchies » – Zurich – Mars 2021
www.diaphanes.fr/titel/lanarchie-pour-ainsi-dire-5937


Voir aussi :

LA SOCIÉTÉ

COMPRENDRE LE MONDE - Introduction à l’analyse des systèmes-mondes

DIALOGUES DE M. LE BARON DE LAHONTAN ET D’UN SAUVAGE DANS L’AMÉRIQUE


Du même auteur : 

AU COMMENCEMENT ÉTAIT…

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