Le 14 juin, à quatre heures trente du matin, 2 000 policiers envahissent la place pour l’évacuer. Rejoints par la population prévenue par la radio, après six heures d’affrontements, les enseignants repoussent l’assaut.
Ce même jour, Pauline Rosen-Cros, jeune photographe lyonnaise, arrive à Oaxaca et va se trouver brusquement immergée dans ces évènements qu’elle va chercher à comprendre.
Le 17 juin, l’Assemblée Populaire des Peuples d’Oaxaca (A.P.P.O.) est constituée par plus de 360 organisations sociales (et jusqu’à 600 par la suite). Désormais, les insurgés veulent faire constater l’ingobernabilidad de l’État d’Oaxaca par le Sénat et destituer le gouverneur Ulises Ruiz Ortiz dont l’élection est entachée de nombreuses irrégularités et qui ne peut justifier, avec son prédécesseur, de l’utilisation de 4 719 300 000 euros pendant les 8 années précédentes. L’A.P.P.O. promeut « dans la pratique les valeurs de solidarité, de fraternité, de confiance, d’esprit d’entraide, de réciprocité, la valeur de la parole donnée et l’amour révolutionnaire ». Elle ne recherche « ni le progrès, ni le développement, mais seulement le bonheur pour tous les Oaxaqueños. » Le but du principe de comunalidad est la production pour le bien commun. Des assemblées verront le jour dans tout l’État et au-delà.
Pauline Rosen-Cros alterne les récits personnels, à la manière d’un journal, avec les témoignages directs, extraits d’entretiens et d’articles. Elle revient à Oaxaca d’octobre 2007 à juin 2008, participe alors à des manifestations, aux Assemblées Populaires et aux Premières Rencontres Intergalactiques des femmes zapatistes avec les femmes du monde au Chiapas, à une "caravane des jeunes" qui va parcourir l’État, étendu sur 94 000 km2, divisé en huit régions et peuplé de 3,5 millions d’habitants, pour chercher à relier les luttes. Elle interviewe des militants, dont certains ont subi la répression, l’emprisonnement arbitraire et la torture.
Forte de cette important documentation, elle cherche à comprendre les situations et les enjeux. Elle décrit un système de corruption institutionnalisé. Le Gouvernement fédéral, avec le soutien des élus locaux, au nom des traités économiques libéraux internationaux, prive les habitants de leurs villages, de leur eau, dépouille les paysans analphabètes de leurs terres communales pour en extraire les ressources à des fins privées. Elle cite les cours de David Garibay, son professeur en Sciences politiques à l’Université de Lyon, pour expliquer la doctrine de la lutte anti-insurrectionnelle, mise au point par l’armée française en Algérie puis en Indochine, enseignée, avec l’aide des États-Unis, dès 1957 à des officiers argentins puis, à la plupart des polices et armées d’Amérique Latine. Un accord de « coopération technique en matière de sécurité publique entre le gouvernement de la République Française et le gouvernement des États Unis du Mexique » a été signé en 1998. En 2009, Nicolas Sarkozy offrait « une police scientifique » au président Calderón.
Les 25 et 26 novembre, l’armée écrase l’insurrection qui a duré plus de six mois : 26 morts recensés, des centaines d’arrestations, des dizaines de disparus.
Si ce livre s’adresse avant tout à ceux qui veulent en savoir plus, il est nécessaire au vu du faible nombre de publications en français sur l’insurrection d’Oaxaca. Un travail remarquable qui joint le témoignage personnel à un important matériel documentaire, pour rendre compte et permettre de comprendre.
¡ DURO COMPAÑER@S !
Oaxaca 2006 : Récits d’une insurrection mexicaine
Pauline Rosen-Cros
368 pages – 7 euros
Éditions Tahin Party – Lyon – octobre 2010
http://tahin-party.org/
L’éditeur a mis cet ouvrage à disposition intégralement en ligne :
http://tahin-party.org/textes/Oaxaca-2006.pdf
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