De décembre 1936 à juin 1937, George Orwell est
engagé en Espagne dans la 29ème division, dans les rangs du P.O.U.M.
et participe aux combats près de Huesca. Il livre un récit dépourvu d’oripeaux
romantiques et ne cache rien des conditions de vie sur le front aragonais :
poux et rats, conditions d’hygiène et alimentation déplorables sont le
quotidien des milices.
Mal équipées, elles ne peuvent fournir de fusil à chacun
et seulement de très anciens modèles. Les armes livrées par l’U.R.S.S. ne leur
parviennent pas.
Il raconte l’antagonisme entre ceux qui voulait
faire progresser la révolution et ceux qui voulait l’empêcher ou l’enrayer. Il
le découvre lors de la militarisation des milices qui perdent alors leur
fonctionnement démocratique et égalitariste (la même solde pour tous). Les
communistes préféreront substituer une hiérarchie au fonctionnement
démocratique. De même, ils supprimeront les comités locaux pour restaurer
l’État centralisé.
Il veille à toujours demeurer objectif, notamment
pendant les journées de mai, lors du siège du Central téléphonique, avouant ne
pas savoir grand chose de la situation sur la ville, rapportant comme telles
certaines rumeurs, racontant avant tout ce qu’il voit dans son quartier,
dénonçant les mensonges des versions officielles rapportées par la presse,
promettant de consacrer un chapitre complet à faire la part des choses.
Blessé à la gorge début mai, il revient à Barcelone
d’où la nouvelle de l’interdiction du P.O.U.M., accusé de trahison au service
des fascistes, n’a pas encore filtré. Menacé, il doit se cacher tandis que des
milliers des miliciens en permission sont arrêtés, certains exécutés sans
jugement. Il se fera démobiliser pour ne pas être considéré comme déserteur et
parviendra à rejoindre Banyuls avec sa femme.
Délibérément, il choisit de reléguer son exposé des
stratégies politiques dans deux annexes qui suivent son récit. Son analyse est
d’un grand intérêt historique, en opposition totale avec les versions publiées
par les journaux de l’époque : les forces conservatrices catholiques
contre les rouges sanguinaires ou les bons républicains contre les putschistes.
Il résume l’enjeu de la guerre par le maintien (ou non) d’une république
bourgeoise. Au départ, Franco veut surtout rétablir la royauté. Le Front
Populaire est une alliance improbable dans laquelle les communistes sont du
côté des contre-révolutionnaires. La Grande-Bretagne défend d’énormes intérêts
financiers, notamment ses participations dans les entreprises de transports
catalans qui seront collectivisées par les anarchistes. Les ouvriers se sont
soulevés avant tout pour installer la révolution.
Le P.S.U.C. défend l’idée d’un gouvernement central
fort et d’une armée militarisée sous un commandement unifié. Il se bat pour la
démocratie parlementaire et affirme que toute tentative de révolution sociale
fait le jeu des fascistes.
Pour le P.O.U.M. la guerre et la révolution ne doivent
pas être séparées.
La C.N.T.-F.A.I. veut le contrôle direct des
industries par les ouvriers, des comités locaux sans régime autoritaire
centralisé.
Si George Orwell est arrivé en Espagne sans réelle
culture politique et a pu rester longtemps à l’écart des débats sans fin dans
les tranchées, les événements de Barcelone lui démontrent la fourberie de
certains, la loyauté et la sincérité d’autres. C’est par soucis de justice
qu’il prendra finalement parti. Il s’attèle à laver les nombreuses diffamations colportées
par la presse étrangère.
Ce récit rédigé à chaud, dans les mois qui ont suivi
le retour de George Orwell en Grande-Bretagne, mais sans ses notes qui lui ont
été subtilisées, est un document historique primordial. Il rend compte à la
fois de la réalité de la vie quotidienne et des enjeux sous-jacents. George
Orwell découvre et dénonce les manipulations et l’épuration stalinienne. Cette
expérience forgera sa détermination à combattre les totalitarismes et nourrira son
œuvre à venir.
HOMMAGE À LA CATALOGNE
George Orwell
Traduit de l’anglais par Yvonne Davet
293 pages – 15 euros
Éditions Ivrea-Champ libre – Paris – janvier 1982
307 pages – 7,50 euros.
Édition 10/18 – Paris – décembre 1999
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