19 novembre 2017

QUARTIER EN GUERRE - New-York, années 1980

Au début des années 1980, à deux pas de Wall Street, le quartier du Lower East Side était encore populaire. Mais les spéculateurs immobiliers, alliés aux politiques et à leur police, rêvent de débarrasser Manhattan des squatters, des punks, des portoricains, des sans-abris, des pauvres. Seth Tobocman, raconte une décennie de luttes, de manifestations et d’émeutes, telle qu’il l’a vécu de l’intérieur, avec les réquisition d’immeubles, les flics qui tabassent les gens au hasard, la malhonnêteté des médias et des pouvoirs publics, les vidéos qui déjà rétablissent la vérité, l’occupation de l’ABC, de Tompkins Square Park, la marche de Tent City,…
Il évite l’écueil de la glorification et ne fait nullement l’économie de l’autocritique et ne minimise pas les très nombreuses difficultés : drogue, sexisme, racisme, violence,… Un noir qui enfreint les règles de la communauté sera immédiatement exclu tandis qu'on trouvera plus facilement des excuses à un blanc. En plus des briques qui barraient les entrées des immeubles vacants, ils devaient se débarrasser des barrières dressées entre eux dans leur conscience.
Pourtant il constate les vertus de l’autogestion : « C’est merveilleux ! Le système apprend aux gens à se chier les uns sur les autres. Mais ici où les gens retrouvent un peu de pouvoir, on voit à quel point ils sont bon en réalité. »
En onze chapitres, il brosse les portraits de personnes qu’il a côtoyées, pour raconter des moments clefs de ces combats. Si ses planches sont inégales, beaucoup sont absolument splendides. Il joue avec les perspectives urbaines et les aplats noirs à la manière de Frans Masereel.  Il déploie ses textes dans ses cases, les placardant souvent comme des tags, selon les lignes de force de ses images.

« Sachez que nous avons essayé de négocier avec le système et il s’est avéré incapable d’honorer ses engagements. Nous sommes allés au tribunal pour nous rendre compte qu’ils ne respectaient pas leurs propres lois. La seule chose qu’ils respectent, c’est notre capacité à les combattre. Ce qui ne laisse qu’une seule option à des gens par ailleurs pacifiques. » « Pas de compromis. » « Seule l’action directe paye. »

Gentrification, crise du logement, spéculation immobilière. Les histoires se répètent partout et rien n’a vraiment changé. Cette restitution impressionnante mérite qu’on s’y attarde. Car comme l’explique parfaitement Seb Tobocman sans la postface à cette première édition française : « J’ai fait ce livre dans l’espoir que d’autre puissent apprendre de mes erreurs. Et peut-être de quelques unes de nos victoires. On ne peut ressusciter les mouvements du passé. Les circonstances changent et exigent de nouvelles réponses. J’espère que vous pourrez vous servir de tout ça pour construire quelque chose de nouveau et de meilleur. »





QUARTIER EN GUERRE
New-York, années 1980
Seth Tobocman
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Julien Besse
330 pages – 27 euros
Éditions CMDE – Collection « Les réveilleurs de la nuit » – Toulouse – Février 2017

http://editionscmde.org/ 

 

Du même auteur :

LE VISAGE DE LA LUTTE

Contributions à WOBBLIES : Un Siècle d’agitation sociale et culturelle aux États-Unis

 

 

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JE PAIE PAS LE LOYER, JE FAIS GRÈVE !

 

 

 

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