Toutes les cinq secondes un enfant de moins de 10
ans meurt de faim dans le monde alors que l’agriculture est capable aujourd’hui
de nourrir 12 milliards d’êtres humains. Comment mettre fin à cette destruction
massive ?
Dans L’Écclésiaste, on peut lire qu’« une maigre nourriture, c’est la vie des
pauvres ; les en priver, c’est commettre un meurtre. » L’article
25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme définit l’alimentation
comme un droit.
Jean Ziegler distingue la faim structurelle de la
faim conjoncturelle, en donne une géographie précise, tout en identifiant différentes
causes. Ne se limitant pas aux pays habituels, il évoque également la Corée du
Nord, Gaza,… et présente aussi les conséquences de la malnutrition, dont le
noma, maladie tabou qui provoque le développement incontrôlé de la flore
buccale qui va briser les défenses immunitaires, dévorer la bouche, déformer le
visage.
Il explique que la faim a longtemps été considérée
comme une fatalité relevant de la loi de la nécessité, depuis que Malthus a
donné bonne conscience aux Occidentaux, les déchargeant de leur responsabilité
morale au nom de la sélection naturelle.
À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la
conscience collective pu enfin s’ouvrir à d’autres discours. Adolf Hitler avait
transformé l’Europe en camp de concentration, rationalisant les restrictions
alimentaires au profit des habitants du Reich, instaurant une discrimination
selon quatre catégories raciales, pillant les pays occupés, soumettant les
populations à exterminer au Hungerplan.
Josué Apolônio de Castro, médecin brésilien, publie
en 1946 Géopolitique de la faim dans
lequel il affirme que la sous-alimentation et la malnutrition sont
artificielles, c’est-à-dire créées par l’activité humaine, notamment la
colonisation, la monopolisation des sols et la monoculture. Il participera à la
création de la F.A.O. au sein de l’O.N.U.
Jean Ziegler dénonce les États-Unis et leurs
organisations mercenaires, l’O.M.C., le F.M.I. et la Banque mondiale, pour qui
le droit à l’alimentation est une aberration, et les transnationales privées de
l’agro-industrie qui prétendent lutter contre la faim en augmentant la
productivité et libéralisant la marché agricole mondial. Il répond que la
violence et l’arbitraire du marché libre de toute contrainte normative, de tout
contrôle social, tuent.
En 2005, La Programme Alimentaire Mondial a tenu en échec
l’O.M.C. qui voulait taxer l’aide alimentaire. Mais en 2008, tandis que les
gouvernements des pays de la zone euros débloquaient 1 700 milliards de dollars
pour sauver les banques, le budget du P.A.M. tomba de 6 à 3,2 milliards.
Il dénonce également le mensonge des biocarburants
qui nécessitent de brûler des millions de tonnes de nourriture et dérobent la
terre aux cultures vivrières. La spéculation sur les denrées alimentaires est
encore un scandale, de même que le vol des terres arables.
Il énonce un certain nombre de décisions de bon sens
à prendre, exact contre-pied de tout ce qu’il vient de dénoncer. Chiffrant à 80
milliards de dollars l’investissement annuel nécessaire pendant 15 ans pour
conjurer les tragédies qu’il vient de décrire, il suggère de prélever un impôt
annuel de 2% sur le patrimoine des 1210 milliardaires recensés en 2010.
Beaucoup d’informations sont reprises d’un ouvrage
précédent,
L’EMPIRE
DE LA HONTE, que nous avons déjà chroniqué. Nous avons
choisi d’être succinct et d’y renvoyer plutôt les lecteurs.
Jean Ziegler se montre beaucoup moins sévère que
John Madeley avec la F.A.O. et la P.A.M. Il prend même vigoureusement leur défense.
La lecture de
LE
COMMERCE DE LA FAIM s’impose donc pour nuancer
ces propos.
S’il se montre optimiste, citant Che Guevara (« Les
murs les plus puissants s’écroulent par leurs fissures. ») et Antonio
Gramsci (« Le pessimisme de la raison oblige à l’optimisme de la volonté. »),
on pourra le trouver quelque peu naïf, comptant sur « le vote, la
mobilisation générale, la grève pourquoi pas, » pour obtenir un changement
radical.
DESTRUCTION MASSIVE – Géopolitique de la faim
Jean Ziegler
354 pages – 20,30 euros
Éditions du Seuil – octobre 2011
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