Helen Hunt Jackson est journaliste et romancière américaine.
Indignée par les conditions dont sont traitées les indiens, elle adressa aux
membres du Congrès en 1881 cette enquête rigoureuse sur quelques tribus
principales pour dénoncer les spoliations de leurs terres, les déportations et
les exterminations. Sur la couverture, imprimé en rouge, elle fit mentionner :
« Regardez vos mains : elles sont tachées du sang de vos
cousins ! »
Depuis les premiers contacts, ce qui revient pour
chacune d’elles c’est le mépris, l’arrogance et la duplicité avec lesquelles le
Gouvernement des États-Unis les traitent. Malgré les mensonges et les promesses
non tenues, la plupart acceptent de céder leurs terres, de se déplacer, de
renoncer à la chasse (quand ils n’y sont pas contraints par l’extermination des
bisons) et de se convertir à l’agriculture, de scolariser leurs enfants. Ils
demeurent bien souvent pacifiques malgré les brimades et les trahisons
répétées. Leurs révoltes, le plus souvent en situation de légitime défense, servent
aussitôt de prétexte à des représailles cruelles.
Helen Hunt Jackson s’appuie sur les rapports
réguliers des commissaires aux affaires indiennes, les textes des traités et de
très nombreux récits et témoignages. L’abondance de documents laisse peu de
doute sur la politique systématique mise en œuvre pour dépouiller les indiens et
le peu de respect qui leur était porté. Ce cynisme omniprésent tranche avec les déclarations des chefs
indiens, toujours raisonnables et pleines de sagesse.
Ainsi, le Président lui-même explique-t-il au
gouverneur du territoire Nord-Est de l’Ohio à propos des Delawares que
« les traités qui ont été conclu peuvent être examinés, mais ne doivent
pas être violés, à moins que l’on ne puisse obtenir une modification de
frontière au bénéfice des États-Unis. » Le premier traité fut conclu en
1778 avec ce peuple puissant et amical, promettant de toujours les traiter en
frères et de leur permettre d’être représentés au Congrès. Un siècle plus tard
on ne comptait plus que 80 individus.
Les volumes d’histoires qui traitent de
l’établissement des États de Tennessee, de Caroline du Sud et de Géorgie
évoquent des « atrocités indiennes » qui ne résultent que de
l’application de l’article 5 du traité signé aves les Cherokees en 1785, les
autorisant à évincer par la force ceux qui avaient usurpé leurs terres et à les
tuer en cas de résistance opiniâtre.
Les Winnebagos ont subi cinq déportations
successives, en supportant jusqu’aux frais de celles-ci, déduits des sommes
dues au titre de l’achat des terres. Le commissaire avouait dans un rapport que
« tous les moyens que l’imagination humaine peut inventer, légaux et
illégaux, ont été mis en œuvre pour s’assurer la possession des terres
indiennes. »
Le ministre de l’Intérieur reconnaît dans son
rapport annuel de 1851 au sujet des Cheyennes qu’ « on ne peut nier
que les dommages commis sur notre frontière par les Indiens sont motivés par la
nécessité la plus criante. La pénétration de notre population les force à
abandonner leurs terres fertiles et à chercher refuge dans les régions stériles
qui ne fournissent ni maïs ni gibier. » Ils ont été pourchassés et
massacrés, notamment à Sand Creek le 29 novembre 1864, pour avoir quitté une
réserve qui n’était légalement pas la leur.
L’évêque Whipple qui avait réussi à obtenir le
versement de la part du Congrès d’une aide de 7 500 dollars aux Sioux en 1865,
commentait que « l’allocation d’une pitance aussi misérable est une
injustice éclatante. (…) Nous avons délibérément provoqué l’hostilité des
Indiens sauvages et les choses se sont envenimées jusqu’à provoquer un
massacre. » Beaucoup, pacifiés et « civilisés » ont ainsi été
poussés à rejoindre « l’indomptable » Sitting Bull qui
déclarait : « Dites-leur à Washington que s’ils ont un seul homme qui
ne mente pas ils peuvent me l’envoyer, j’écouterai ce qu’il a à dire. »
Ce ne sont que quelques exemples parmi les nombreux
faits rapportés avec beaucoup de détails et de précisions par Helen Hunt
Jackson. L’accumulation ne laisse aucun doute et toute autre interprétation
relève au mieux de la méconnaissance sinon du révisionnisme.
Elle consacre également un chapitre à examiner les
traditions juridiques qui toutes reconnaissent un droit d’occupation
inaliénable aux populations indigènes sans titre de propriété, à moins de vente
ou de conquête. À l’explorateur, elles accordent un droit de souveraineté. Les
contrats et traités sont garantis par un caractère solennel et sacré. Leur
violation est moralement et juridiquement condamnable.
Ce rapport accablant est un document unique. Les
commentaires et annotations d’Éric Viel le complètent fort intelligemment. Cette
traduction française publiée en 1972 n’est plus actuellement plus disponible ce
qui est pour le moins regrettable et incompréhensible.
UN SIÈCLE DE DÉSHONNEUR
Helen Hunt Jackson
Préface
et traduction d‘Éric Viel
412 pages – 7 euros.
Éditions 10/18 – Paris – 1972
Publié pour la première fois aux États-Unis en 1881.
Voir aussi :
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J'ai lu ce livre émouvant dans les années 1980 (de de 1972). Il ne doit pas faire oublier certaines limites. L'auteure dénonce les crimes et maltraitances mais ne croit pas au maintien des cultures des tribus, signalant les "qualités non-indiennes" de certaines d'entre elles. Egalement conditionnée par une manière américaine fréquente de penser les guerres indiennes ( "massacre" pour désigner les défaites du 7ème de cavalerie) elle affirme que le général Custer fut "assassiné" ("murdered" comme le releva Eric Viel ) à la bataille d Little Big Horn par des "Indiens hostiles".
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