L’historien britannique Robert Tombs propose une
histoire complète de la Commune de Paris. Interrogeant les faits et leurs
successives interprétations, il raconte la plus grande insurrection
véritablement populaire de l’histoire moderne européenne. Il cherche la réalité
dépeinte autant comme une fête que comme un chaos.
Une par une, il mesure l’influence précise des
différentes causes de cette révolution : l’Haussmannisation récente, la gauche
révolutionnaire et la culture politique dans les quartiers ouvriers, et surtout
la capitulation devant les Allemands considérée comme une humiliation.
Deux tendances se côtoient et parfois
s’affrontent au sein de la Commune : une aspiration proudhonienne
s’appuyant sur l’initiative du peuple tandis que le pouvoir central dépérirait,
et une tendance plus jacobine et blanquiste, soucieuse d’une autorité
révolutionnaire forte, dynamique et inspiratrice.
Robert Tombs, avec beaucoup de précision, revient
sur certaines décisions emblématiques pour décrypter leur sens et leur portée
réels.
Un décret annule, le 29 mars, les arriérés de loyer.
Cette atteinte à la propriété privée n’était pourtant pas justifiée par le
socialisme mais par le patriotisme. C’était un appel aux propriétaires à
soutenir ceux qui avaient soufferts du siège.
De même, le décret du 16 avril confie l’exploitation
des ateliers et des fabriques abandonnés à « l’association coopérative des
ouvriers qui y étaient employés ». Il ne s’agissait pas d’une réquisition
générale mais d’une solution pour palier aux désertions des patrons.
Il relève aussi que la proportion de dirigeants
ouvriers n’a jamais été égalée dans aucun autre gouvernement révolutionnaire en
Europe : environ la moitié des membres de la Commune !
Il revient, toujours avec la même précision, sur
l’implication des femmes, subversion fondamentale de la moralité bourgeoise.
Il analyse la Semaine sanglante comme
« massacre fondateur » par lequel le régime va prouver sa capacité et
sa détermination à gouverner, va retrouver son attribut principal : le
monopole de la violence légitime. Le suffrage universel est ensuite un moyen
légitime de refuser le droit de se révolter, de le décourager et le vaincre en
pratique. Ce Paris qui brûle est la fin d’un cycle, c’est La Révolution
française qui fait ses adieux à l’Histoire.
Enfin, il reprend les différentes interprétations de
cet événement, notamment celle des marxistes qui tenait la Commune pour le
prototype à examiner et diagnostiquer, afin de produire un modèle futur
victorieux.
Travail historique remarquable et parfaitement
recommandable.
PARIS, BIVOUAC DES RÉVOLUTIONS
La Commune de 1871
Robert Tombs
Traduit de l’anglais pas José Chatroussat
400 pages – 20 euros
Éditions Libertalia – Collection « Ceux d’en
bas » –
Paris – février 2016
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