16 février 2017

TERRE LIBRE – Les Pionniers


Qui n’a jamais rêvé à la lecture des aventures de rescapés d’un naufrage, s’identifiant à ceux qui doivent s’organiser pour assurer leur survie ? Jean Grave, répondant à une commande du pédagogue espagnol Franscico Ferrer pour son École moderne qui souhaitait des textes permettant de comprendre ce que pourraient être les fondements d’une société future, imagine un navire transportant des condamnés politiques s’échouant sur une île déserte.

 Bien sûr, ce choix facilite quelque peu la démonstration puisque la plupart partagent déjà certaines idées, s’étant déjà opposés à l’organisation sociale qui produit l’abondance et le luxe mais en prive ceux qui obéissent et travaillent.


Les choix sont posés et le lecteur incité à réfléchir aux débats suscités, non sans cesser de le divertir. L’organisation des tâches, la tentation du retour à une forme de parlementarisme en remplacement des assemblées générales, les relations avec le camp du commandant du navire et ses troupes fidèles à son autorité et au drapeau, l’exploitation des ressources naturelles sont tour à tour évoquées sans jamais être idéalisées. Jean grave n’élude aucune question, comme celle des « paresseux », reproche récurrent des contradicteurs de la théorie anarchiste.

Le procédé est malin car il permet à l’auteur d’élaborer une société modèle et de démontrer qu’elle peut s’établir tout naturellement, suivant l’imagination et le bon sens de ses membres. Il prend un certain plaisir, mais sans s’appesantir pour autant, à montrer la déliquescence du groupe qui refuse d’adhérer à cette construction et persiste à subir l’autorité d’une hiérarchie.
Si ce roman s’apparente à la littérature de propagande comme illustration d’une théorie, il est cependant beaucoup plus subtil, ne s’épargnant aucun écueil.
Peut-être, toutefois, les nouvelles venues de l’extérieur in fine sont-elles superflues et hors propos.

Cette robinsonnade anarchiste n’est en aucune manière la stricte application d’une doctrine mais plutôt la démonstration que la construction d’une autre société est possible. Elle montre comment peut s’accomplir la division du travail, qui « loin d’être un châtiment, comme le soutient la religion chrétienne, et tel que l’a organisé la société capitaliste, est au contraire attrayant et nécessaire lorsqu’il est accomplit librement, sans contrainte et par goût. »




TERRE LIBRE – Les Pionniers
Jean Grave
182 pages – 15 euros
Éditions Noir & Rouge – Collection « Libertés enfantines » – Paris – août 2015
Première publication aux éditions des Temps Nouveaux en 1908.
À partir de 12 ans ?

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