Qui n’a jamais rêvé à la lecture des aventures de
rescapés d’un naufrage, s’identifiant à ceux qui doivent s’organiser pour
assurer leur survie ? Jean Grave, répondant à une commande du pédagogue
espagnol Franscico Ferrer pour son École moderne qui souhaitait des textes
permettant de comprendre ce que pourraient être les fondements d’une société
future, imagine un navire transportant des condamnés politiques s’échouant sur
une île déserte.
Bien sûr, ce choix facilite quelque peu la
démonstration puisque la plupart partagent déjà certaines idées, s’étant déjà
opposés à l’organisation sociale qui produit l’abondance et le luxe mais en
prive ceux qui obéissent et travaillent.
Les choix sont posés et le lecteur incité à
réfléchir aux débats suscités, non sans cesser de le divertir. L’organisation
des tâches, la tentation du retour à une forme de parlementarisme en
remplacement des assemblées générales, les relations avec le camp du commandant
du navire et ses troupes fidèles à son autorité et au drapeau, l’exploitation
des ressources naturelles sont tour à tour évoquées sans jamais être
idéalisées. Jean grave n’élude aucune question, comme celle des
« paresseux », reproche récurrent des contradicteurs de la théorie
anarchiste.
Le procédé est malin car il permet à l’auteur
d’élaborer une société modèle et de démontrer qu’elle peut s’établir tout
naturellement, suivant l’imagination et le bon sens de ses membres. Il prend un
certain plaisir, mais sans s’appesantir pour autant, à montrer la déliquescence
du groupe qui refuse d’adhérer à cette construction et persiste à subir
l’autorité d’une hiérarchie.
Si ce roman s’apparente à la littérature de
propagande comme illustration d’une théorie, il est cependant beaucoup plus
subtil, ne s’épargnant aucun écueil.
Peut-être, toutefois, les nouvelles venues de l’extérieur
in fine sont-elles superflues et hors
propos.
Cette robinsonnade anarchiste n’est en aucune
manière la stricte application d’une doctrine mais plutôt la démonstration que
la construction d’une autre société est possible. Elle montre comment peut
s’accomplir la division du travail, qui « loin d’être un châtiment,
comme le soutient la religion chrétienne, et tel que l’a organisé la société
capitaliste, est au contraire attrayant et nécessaire lorsqu’il est accomplit
librement, sans contrainte et par goût. »
TERRE LIBRE – Les Pionniers
Jean Grave
182 pages – 15 euros
Éditions Noir & Rouge – Collection
« Libertés enfantines » – Paris – août 2015
Première publication aux éditions des Temps Nouveaux
en 1908.
À partir de 12 ans ?
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