C’est parce qu’il finit par caractériser tout et son contraire que le mot « école » est faible. Laurence De Cock dénonce une crise démocratique, l’inscrivant dans l’histoire de l’institution, réformes après réformes, postulant « que l’école a pour mission non pas de préparer au monde déjà là mais d’accompagner celui qui vient, et partant de contribuer à le transformer ». Ce livre est un plaidoyer « contre la vision politique responsable du brouillage actuel des repères pour penser l’école comme espace de démocratisation, de justice sociale et de partage des connaissances. »
L’historien Jack D. Forbes livre ici l’un des premiers essais sur la colonisation européenne du continent américain, écrit par un Amérindien. Dans cette histoire critique de la destruction des cultures indigènes, il se penche sur « la maladie de l’agression envers les autres créatures, et plus précisément la maladie de l’absorption des forces vitales et des possessions des autres êtres vivants », pathologie à laquelle il donne le nom de psychose wétiko (cannibale). Il examine son origine, son épidémiologie, ses caractéristiques, et propose certains antidotes.
« Pourquoi est-ce que je vous parle depuis l’exil ? Parce qu’une communauté noire du Sud a pris les armes contre la violence raciste et les a utilisées. Je suis tenu pour responsable de cette action : pour la première fois dans l’histoire, des Noirs américains se sont armés en tant que groupe pour défendre leurs foyers, leurs femmes, leurs enfants, dans une situation où la loi et l’ordre s’étaient effondrés et où les autorités ne pouvaient pas, ou plutôt ne voulaient pas faire leur devoir pour protéger des Américains d’une foule sans foi ni loi. J’assume cette responsabilité et j’en suis fier. J’affirme que le Noirs ont le droit de faire face à la violence du Ku Klux Klan par l’autodéfense armée, et j’ai agi en ce sens. Il a toujours été admis comme un droit des Américains, l’histoire de nos États de l’Ouest le prouve, que là où la loi est impuissante, ou refuse de garantir l’ordre, les citoyens peuvent, et doivent avoir recours à l’autodéfense contre la violence illégale. Je crois que ce droit est tout aussi valable pour les Américains noirs que pour les Américains blancs. » Robert Franklin Williams organisa l’autodéfense de la population noire de Monroe, en Caroline du Nord, pour répondre à la violence par la violence, et livre ici un précieux témoignage.
Francis Dupuis-Déri explore la tension entre la peur des élites politiques, économiques et culturelles à l’égard du peuple qu’elles jugent stupide, manipulable voire enclin à la violence, et la peur que le peuple peut avoir de ceux qui prétendent le gouverner mais cherchent à le dominer. Reprenant deux concepts philosophiques et politiques du sociologue Max Weber, il propose d’analyser l’agoraphobie politique (mépris du peuple assemblé) et l’agoraphilie politique (la passion pour la démocratie directe).
Homo sapiens a vécu paisiblement pendant 290 000 ans, jusqu’à ce qu’apparaissent l’agriculture et l’élevage, provoquant, en se généralisant, « une catastrophe comparable à la comète qui a fait disparaître les dinosaures ». En nous racontant le monde d’après l’effondrement et celui d’avant la « révolution » néolithique, en passant par les COP 1 à 45, Grégory Jarry et Otto T. nous invitent à réfléchir sans tergiverser aux enjeux actuels, non sans se départir de leur fameux sens de l’humour.
En automne 2018, « une véritable irruption populaire a fait vaciller le pouvoir », en France. Depuis le Chiapas rebelle où il vit, Jérôme Baschet a observé le mouvement des Gilets jaunes comme annonciateur de nouvelles formes d’explosions sociales vouées à se multiplier, expression d’une « juste colère », pendant de la « digne rage » des zapatistes. Avec méthode, il cherche à encourager et à amplifier cette dynamique afin d’ « interrompre la destruction du monde ».
Parce que les conséquences de la révolution industrielle ont été désastreuses pour l ‘humanité, Theodore Kaczynski préconise une révolution contre le système industriel en s’attaquant aux bases économiques et technologiques de la société actuelle.
Imprévu et défiant toutes les analyses classiques par sa composante hétéroclite, ses méthodes inhabituelles, sa longévité surprenante, mais aussi les réponses qu’il s’est vu proposer, le mouvement des gilets jaunes est parvenu à politiser des groupes populaires et périurbains réfractaires à la politique, laissant sur la touche la plupart des formations politiques et syndicales. Laurent Jeanpierre, professeur de science politique, tente d’en tirer des leçons et dessine une aspiration à un ré-ancrage local où s’articuleraient autonomie, écologie et justice sociale : une politique des Communes.
Carlos a réalisé son rêve d’enfant, dessiner des voitures, mais celui-ci tourne au cauchemar. Un système de harcèlement moral est insidieusement mis en place dans son entreprise, progressivement, pour augmenter au maximum la rentabilité des personnels. Inspiré d’une histoire vraie ce récit décortique les dérives
managériales qui conduisent au drame : open space, pôle technique
éloigné de l’usine et des ateliers de fabrication, management uniquement
soucieux d’augmenter la rentabilité, contrôle permanent, évaluations et
objectifs individualisés, régulièrement revus à la hausse, nouveau
logiciel imposé, sans formation ni assistance, programme « Contrat
d’avenir » ambitieux avec production de vingt-six modèles au lieu de
quatorze, progression de marge de 6% et réduction des coûts de 30, etc.
De même que nous recensons tout autant des nouvelles publications que des ouvrages plus anciens, il nous paraît pertinent de rendre compte, à l’occasion, d’anciens numéros de revues qui nous semblent pertinents. Le numéro 4 de La Revue dessinée, que nous venons de découvrir, est justement un des plus intéressants qu’il nous ait été donné à lire, avec au sommaire : un dossier sur le fichage numérique généralisé, l’histoire du fascisme en Grèce et le démantèlement du service public de la poste.