Né en 1879 en Suède, Joe Hill, émigre très tôt aux
États-Unis où il sera travailleur itinérant (hobo), poète-chanteur et dessinateur, membre de l’I.W.W.
(International Workers of the World). Il sera une des figures les plus
populaires de la guerre des classes notamment lors de la campagne de défense
pour s’opposer à son exécution, jusqu’à devenir un de ces hommes qui ne
mourront jamais.
Franklin Rosemont a collecté et recoupé de nombreux
témoignages, consulté d’immenses correspondances et une somme d’ouvrages, pour
brosser en creux le portrait d’un homme, chercher à saisir un peu de sa réalité
au-delà de la légende. Il égratigne toutes les mythologies, celle du vagabond
criminelle colportée par la presse conservatrice comme celle du surhomme ou du
saint. Il raconte tout autant ce
syndicat de travailleurs inorganisables et indésirables au sein duquel tous
sont leaders dans une lutte jusqu’à ce que les travailleurs prennent possession
de l’appareil de production et abolissent le salariat. Ce syndicalisme
industriel révolutionnaire autogestionnaire oppose une critique radicale à
l’archaïque et conformiste syndicalisme de métier et vise l’abolition de l’esclavage salarié, la
production pour l’usage et non plus pour le profit.
Parodiant des hymnes de l’Armée du Salut et autres
scies sentimentales du moment, Joe Hill a composé des chants révolutionnaires
diffusés dans les très populaires Red Songbook et entonnés jusqu’à nos jours.
Certaines de ses trouvailles sont d’ailleurs devenues des expressions usuelles
comme sa fameuse « pie in the
sky ». Il participa avec d’autres à la Révolution mexicaine aux côtés
de Ricardo Florès Magón puis à la grève des ouvriers du rail de Fraser River au
Canada, avant d’être victime d’un complot à Salt Lake City. Accusé du meurtre
d’un épicier, emprisonné, jugé lors d’une parodie de procès, il est fusillé par
l’État le 19 novembre 1915, victime d’un véritable assassinat judiciaire.
Incinéré, ses cendres sont répandues dans tous les États sauf l’Utah, ainsi que
dans le monde entier. « Don’t mourn,
organized ! », avait-il demandé.
Franklin Rosemond présente bien d’autres militants
tel Franck Little, Big Bill Haywood, Ralph Chaplin, T. Bone Slim, pour donner à
saisir l’esprit de l’I.W.W. ce mouvement qui encourageait l’expression des
singularités les plus extravagantes au sein de la lutte collective. Ennemi
acharné du racisme et opposé à la suprématie blanche, il acceptait les
adhérents noirs, au contraire de la puissante American Federation of Labor
(A.F.L.). De même, il revendiquait un salaire égal à travail égal pour les
femmes.
Le lecteur, plongé dans l’histoire du mouvement
ouvrier américain, ne devra pas se laisser noyer par l’exhaustivité du propos.
Franklin Rosemont s’appuie systématiquement sur son impressionnante
documentation pour recenser toutes les mentions de tout. Sans perdre de vue pour
autant l’essentiel, il veille à faire le tour de chaque question ce qui rend ce
documentaire extrêmement touffu et sa lecture un peu ardue. Cet exceptionnel
travail d’approche de la vérité offre cependant un excellent tableau d’une
contre-culture prolétarienne méconnue mais qui influença pourtant toutes les
générations suivantes et rend compte de la réalité d’une répression féroce
contre toute liberté d’expression.
JOE HILL : BREAD, ROSES AND SONGS
La Création d’une contre-culture ouvrière et révolutionnaire aux États-Unis.
La Création d’une contre-culture ouvrière et révolutionnaire aux États-Unis.
Franklin Rosemont
Traduit de l’anglais par Frédéric Bureau
600 pages – 22 euros
Éditions CNT-RP – Paris – mai 2015
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